Festivals

Splendeurs chorales

Pour son concert de clôture, le 15ème festival international Toulouse les Orgues, en partenariat avec Odyssud, avait invité le prestigieux chœur de chambre « les éléments » et son directeur Joël Suhubiette qui avait conçu pour cette soirée un étonnant programme. Embrassant un répertoire d’une prodigieuse diversité, celui-ci couvre la plus vaste période créatrice qui se puisse imaginer. Du 16ème siècle à nos jours, les œuvres interprétées emportent l’auditeur-spectateur dans un voyage à travers le temps et l’espace… La cathédrale Saint-Etienne qui héberge cette soirée offre la résonance qui convient à ces musiques de l’esprit.

La pièce d’ouverture plonge dans la pureté stylistique et expressive du grand Palestrina. Son Stabat Mater à huit voix et deux chœurs plane très haut. Les voix mêlées des chanteurs de l’ensemble y maintiennent un équilibre admirable et un sens profond de la prosodie. Avec le Magnificat Sexti Toni à douze voix et trois chœurs de Tomás Luis de Victoria, formidable polyphoniste de la Renaissance espagnole, la musique se fait symbole. La Sainte Trinité s’incarne dans les trois groupes de chanteurs habilement spatialisés à la frontière entre les deux parties décalées de l’église.

Le choeur de chambre « les éléments », dirigé par Joël Suhubiette, avec la soprano solo Julia Wischniewski (Photo Classictoulouse)

Cette spatialisation atteint son paroxysme avec le fantastique motet Qui habitat in adiutorio altissimi, de Josquin des Prés. Dispersés autour des spectateurs selon six groupes de quatre chanteurs chacun, le chœur distille une véritable magie sonore. L’ostinato rythmique et mélodique qui bat comme un cœur ému donne le vertige. Proche des délires polyphoniques des anglais de la Renaissance (on pense au fameux motet à quarante voix de Thomas Tallis), cette pièce, prodigieusement chantée, transporte autant qu’elle charme.

Le contraste est saisissant avec la création mondiale de Medea Cinderella du compositeur grec Alexandros Markéas. En partie composée sur des textes d’Euripide, cette pièce étonnante et pleine de relief met en perspective une sorte d’évolution de la féminité, depuis le matriarcat symbolisé par Médée, la meurtrière de ses propres enfants, jusqu’à la condition d’asservissement représentée par Cendrillon (Cinderella). La voix y est exploitée sous toutes ses facettes, du chant le plus pur au langage parlé, voire éructé. Cette œuvre tendue, forte et dramatique bénéficie également de la spatialisation offerte par ce lieu magique. Réparti en quatre groupes de six chanteurs, le chœur franchit magnifiquement les obstacles d’une écriture difficile mais profondément expressive. La pièce est judicieusement redonnée en fin de concert après une présentation du compositeur lui-même.

La seconde partie du concert s’ouvre sur deux pièces sacrées de Mendelssohn. L’hymne Hör mein Bitten, dans lequel la soprano solo dialogue avec le chœur et l’orgue, n’est pas sans rappeler certaine section du Songe d’une nuit d’été. Saluons la soliste, Julia Wischniewski, voix fraîche et lumineuse, et Willem Jansen perché tout là-haut à la tribune du grand orgue. La ferveur du court motet Ehre sei Gott in der Höhe complète harmonieusement ce bel hommage à Mendelssohn.

C’est la trop rare Messe pour double chœur a cappella, composée en 1922 par le Suisse Frank Martin qui conclut la soirée et le festival. Cette partition sensible et complexe, d’une grande beauté esthétique, utilise les modulations harmoniques avec une subtilité prodigieuse. Le langage élaboré place toujours la sensibilité au premier plan, jusqu’au très émouvant Dona nobis pacem. Du grand art que le chœur de chambre « les éléments » fait sien, grâce à la direction à la fois précise et souple de Joël Suhubiette.

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