Aline Zylberach et Martin Gester, tous deux claviéristes émérites, unis à la scène comme à la ville, s’illustrent la plupart du temps, au sein d’ensembles de musique ancienne et surtout du bel ensemble Le Parlement de Musique. L’orgue, le pianoforte, le clavecin n’ont plus de secret pour eux. Les voici enfin réunis en duo, en couple peut-on dire, sans l’appoint d’autres instruments que leurs propres claviers, en l’occurrence les clavecins et l’orgue.
Comme pour baliser un voyage au long cours à travers de changeants paysages, ils illustrent ici leurs étapes par un florilège d’œuvres, aussi bien originales que transcrites pour leurs instruments, dans une atmosphère chaleureuse de liberté et d’imagination. Du XVIIIème siècle à nos jours, les musiques qui composent ce programme témoignent de la richesse d’une pratique basée sur le plaisir musical. Ce recueil vivifiant, baptisé Caprices, est dédié aux fils du couple « qui supportent [ceux de leurs parents] depuis environ un quart de siècles ! »
Le point de départ vise l’Espagne du Padre Antonio Soler et des extraits de ses « Seis conciertos para dos organos », joués ici à deux clavecins. Couleurs et rythmes illuminent le paysage. L’orgue s’associe au clavecin chez Joseph Haydn avec quelques courtes et charmantes pièces « für Flötenuhren » (pour horloges à flûtes) ainsi que chez Johann Schobert, très proche de l’esprit de Haydn. Bach a transcrit Vivaldi. Zylberach-Gester franchissent une étape supplémentaire dans le même esprit en adaptant Bach-Vivaldi à leurs deux clavecins. De Telemann, les interprètes transportent le concerto en si mineur pour flûte et clavecin dans le monde de l’orgue et du clavecin. Le souffle reste au programme. L’Andante de Michael Haydn (le frère de Joseph) donne ici lieu à un échange touchant entre les tuyaux et les plectres. Quant à la Sonate KV 381 de Mozart « A quatre mains sur un clavecin » elle est ici délivrée dans sa version originale d’une alacrité, d’une imagination, d’une vitalité qui réjouissent le cœur et l’esprit.
Ce cheminement très XVIIIème siècle se trouve ici agrémenté, épicé, de quelques pièces composées en 1978 par Peter Planyavsky, brillant organiste autrichien, à l’intention de deux clavecinistes suisses, Anne Gallet et Marinette Extermann. Un autre éclairage de la même démarche basée sur l’échange.
Voici une parution qui respire le plaisir, la connivence, le bonheur. Un antidote contre la morosité !