Disques

Haydn secret, subtilement révélé

Depuis plusieurs années, l’organiste, claveciniste, continuiste, Yasuko Uyama-Bouvard, donne enfin libre cours à sa passion pour le pianoforte. On se souvient du concert-baptême de l’ensemble créé alors, le Salon Viennois, donné le 8 novembre 2006 dans le cadre de la saison des Arts Renaissants. Un concert au cours duquel retentissait pour la première fois les riches accents de l’instrument tant espéré, une copie, réalisée par Christopher Clarke, d’un illustre pianoforte des années 1790, signé Anton Walter, célèbre facteur viennois, et conservé au Germanisches National Museum de Nuremberg.
Voici enfin le premier enregistrement réalisé par Yasuko Uyama Bouvard sur cet instrument exceptionnel. Outre le choix de rendre justice à Joseph Haydn, à travers sa musique destinée au(x) clavier(s), la musicienne, rompue au répertoire de la Renaissance, aborde ici deux aspects complémentaires de ce classicisme triomphant : le divertissement et la profondeur préromantique.

Rappelons que Yasuko Uyama Bouvard (née à Kyoto au Japon) est venue en France en 1976 sur les conseils du grand organiste Pierre Cochereau. Munie de son diplôme d’organiste de l’Université Nationale des Arts de Tokyo, elle découvre alors les instruments historiques et approfondit sa connaissance de la musique occidentale. Elle reçoit à Paris l’enseignement d’Edouard Souberbielle et Michel Chapuis pour l’orgue, Huguette Dreyfus pour le clavecin. Elle se passionne également pour le pianoforte qu’elle approfondit auprès de Jos Van Immerseel au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Ses études seront couronnées par deux premiers prix internationaux : clavecin en 1979 au Festival Estival de Paris, et orgue au Concours International d’Orgue ibérique de Tolède en 1980.

Ainsi, dans cet album qui paraît aux éditions Hortus, Yasuko Uyama Bouvard alterne les interventions à l’orgue et au pianoforte. Sur le grand orgue baroque français de l’église Saint-Pierre des Chartreux, à Toulouse, un instrument historique Delaunay-Micot des XVIIe-XVIIIe siècles dont elle est titulaire, elle détaille avec gourmandise de délicieuses pièces composées par Haydn pour « Flötenuhr », c’est-à-dire pour horloge musicale, ou horloge à flûtes.

Les organistes se sont appropriées ces œuvres brèves et légères, conçues pour le dispositif mécanique de ces horloges. Adaptées pour grand orgue, elles n’en conservent pas moins leur caractère « automate ». Yasuko Bouvard joue le jeu du charme mécanique. La registration, qui favorise évidemment les flûtes, le toucher léger plein d’esprit, le rythme immuable adopté, tout concourt à souligner la grâce innocente de ces gourmandises fraîches comme des bonbons viennois. Une musique qui s’écoute le sourire aux lèvres.

Aux commandes du somptueux pianoforte de Christopher Clarke, la musicienne retourne aux sources des sonates composée par Haydn pour cet instrument. Les couleurs convoquées par l’interprète, la richesse des phrasés, cette rigueur du jeu dans la liberté (ou peut-être l’inverse !) portent les trois œuvres choisies au paroxysme de l’expression musicale. Les deux sonates, l’une en mi bémol majeur, l’autre en ut majeur, exploitent toute la palette des possibilités musicales et expressive de l’instrument nouveau à l’époque. L’esprit de finesse, l’imagination harmonique et rythmique règnent en maître. L’interprète y ménage d’étonnants éclairages, de subtiles nuances dynamiques, sans jamais viser le spectaculaire.

Avec les célèbres « Variations en fa mineur », datées de 1793, Haydn exploite toutes les possibilités expressives d’une telle forme musicale, ouvrant la voie au Beethoven de la dernière période. Plusieurs dédicaces accompagnent la partition. Il semble que le compositeur ait souhaité rendre ici hommage à son amie viennoise Marianne von Genzinger, décédée subitement en janvier 1793. Dans ce portrait chargé d’affection et de douleur l’émotion atteint une sorte de paroxysme. La succession des variations, si magnifiquement colorées par l’interprète, balaie tous les affects possibles évoqués par les circonstances de la composition de ce chef-d’œuvre. Bouleversant témoignage de la part d’un compositeur trop souvent cantonné au rôle d’amuseur habile.

Le concert donné par Yasuko Bouvard le 9 décembre 2012 a permis aux nombreux (mais privilégiés !) présents en l’église de Saint-Pierre des Chartreux de recevoir le message vivant, la substance même extraite de cet enregistrement.

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