Concerts

Beethoven tout feu tout flamme

Sunwook Kim dirigeant le Chamber Orchestra of Europe depuis son piano - Photo Classictoulouse -

Le 26 mars dernier, la saison des Grands Interprètes recevait l’un des grands orchestres européens dirigé par le pianiste Sunwook Kim. Dans ce double rôle de chef d’orchestre et de soliste, le musicien coréen a réalisé ce soir-là une véritable performance à la tête et au cœur du Chamber Orchestra of Europe dans une exécution passionnée et intense des trois derniers concertos de Beethoven.

L’intime fusion entre les deux rôles tenus par Sunwook Kim constitue l’une des grandes qualités de cette succession de chefs-d’œuvre. Si cette double fonction s’avère assez couramment pratiquée dans le vaste répertoire des concertos de Mozart, elle n’est pas si fréquente dans celui des partitions beethovéniennes dans lesquelles la fonction de l’orchestre va bien au-delà d’un simple soutien ou d’un accompagnement. Tout au long des troisième, quatrième et cinquième concertos de Beethoven qu’il joue et dirige, Sunwook Kim maintient une tension musicale permanente au travers de ses choix de tempi, d’équilibre sonore et de nuances. La communication qu’il sait établir avec les musiciens emprunte les voies complémentaires du geste, du regard, du langage corporel. Au-delà d’un bel équilibre sonore entre toutes les composantes, une énergie sans limite se dégage de ses interprétations.

Sunwook Kim au piano – Photo Classictoulouse –

Précisions tout d’abord que la disposition des instruments de l’orchestre n’est pas, ce soir-là, celle qu’adoptent généralement les orchestres français. Elle s’inspire plutôt de celle des phalanges de l’est de l’Europe : premiers violons à gauche, deuxièmes violons à droite, altos au centre droit, violoncelles au centre gauche, contrebasses à gauche. Les vents, cuivres et bois par deux, sont disposés comme toujours derrière des cordes.

La tonalité d’ut mineur du Concerto n° 3 motive une introduction orchestrale de l’Allegro con brio particulièrement inquiète et fébrile. Un piano volontaire et virtuose lui répond. Une cadence flamboyante conclut ce premier mouvement. Le soliste déroule le Largo comme un récit méditatif, alors que le Rondo final se reçoit comme une libération dans laquelle le piano joue un rôle conquérant.

Le Concerto n° 4, peut-être le plus novateur, le plus inventif des cinq, s’ouvre ici sur un Allegro moderato progressif que le piano conduit d’une apparente sérénité vers un éclat lumineux. La cadence jouée par Sunwook Kim semble évoluer entre crainte et révolte. L’Andante con moto représente l’un des sommets expressifs de toute la littérature concertante. Caractérisé par Franz Liszt comme « le dialogue d’Orphée avec les puissances infernales », il est offert ici avec une impressionnante intensité contenue. De la part du piano-Orphée, rabroué par les Furies orchestrales, ce dialogue tragique évolue de l’humilité au désespoir. A coup sûr, l’un des grands moments de la soirée. La joie du Rondo final motive un jeu pianistique incisif de la part du soliste (évidemment en accord avec son orchestre !) qui conclut ici encore sur une cadence pleine de vigueur.

Le pianiste et chef d'orchestre au salut - Photo Classictoulouse -
Le pianiste et chef d’orchestre au salut – Photo Classictoulouse –

Le dernier de ces concertos, le n° 5 sous-titré « L’Empereur » après la mort de Beethoven, a connu des circonstances de composition dramatiques. La Grande armée de Napoléon, celui-là même qui déçut cruellement Beethoven après avoir suscité son espoir, a bombardé la capitale autrichienne pendant cette composition. Cette atmosphère guerrière a probablement influé sur le caractère de l’œuvre. Dans l’Allegro initial, l’entrée « impériale » du piano répond avec panache aux premiers tutti orchestraux. Une tension permanente irrigue toute cette section. Une respiration profonde apporte enfin cette détente tant espérée dans le sublime Adagio habité par les interprètes. Et c’est un Rondo final explosif qui conclut ce voyage imaginaire.

Encore une fois saluons la qualité de la profonde relation qui s’est établie entre le jeu du soliste et la direction du chef d’orchestre. Cette prestation est d’ailleurs acclamée par un public ébloui. Bien que visiblement espéré par l’ensemble de l’assistance, Sunwook Kim renonce à présenter un bis. Après un tel déploiement de tension et d’énergie, comme on le comprend !

Serge Chauzy

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