L’édition 2024 du Festival de Toulouse poursuit son chemin très suivi avec une rencontre musicale qui fait chaud au cœur. Le 11 juillet dernier, quatre jeunes musiciens se retrouvent devant le public enthousiaste de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines. Ils témoignent de la vitalité d’une génération formée au Conservatoire à Rayonnement Régional de Toulouse, véritable pépinière de talents engagés et déjà actifs.
La soirée sous-titrée « Prodiges » est présentée par Nicole Yardeni, adjointe au maire de Toulouse en charge des relations avec les acteurs culturels, et Julien Martineau, mandoliniste bien connu et grand organisateur du Festival. Ces deux autorités sont accompagnées(e)s de Michèle Tisseyre, la responsable de l’association Action Femmes Grand Sud, partenaire du Festival, qui accompagne les femmes de plus de 45 ans dans leurs démarches de retour à l’emploi.
L’effervescence et le haut niveau des interventions des jeunes artistes réunis pour cette soirée constituent mieux qu’un espoir dans la qualité et l’évolution positive de l’enseignement musical à Toulouse. Les quatre acteurs de cette démonstration ont pour noms Claire Bouyssou, soprano, François Pardailhé, ténor, Baptiste Donadio, alto et Constant Despres, piano.
Notons que Constant Despres assure à lui seul le soutien pianistique de l’ensemble de la soirée. Déjà récipiendaire de dizaines de récompenses et de prix musicaux, il vient d’obtenir son baccalauréat à l’âge de 17 ans. Alors qu’il accompagne au piano toutes les prestations de ses amis, il ouvre le concert avec une pièce soliste rare et colorée, la Cancion y Danza n° 6 du compositeur catalan Federico Mompou. Un peu plus tard, il s’attaque à la Sonate n° 2 op. 19 d’Alexandre Scriabine, aussi connue sous le nom de Sonate-Fantaisie, un véritable défi virtuose. On constate alors le chemin parcouru par le pianiste depuis ses premières prestations publiques dès l’âge de 11 ans. La technique est devenue un moyen de faire de la musique et non pas une fin en soi ! Cette pièce foisonnante conserve ici une clarté et une transparence remarquables qui permettent un riche déploiement de ces couleurs si caractéristiques de l’écriture du compositeur russe. L’ovation que reçoit cette interprétation témoigne de son impact sur le public.
L’altiste Baptiste Donadio intervient tout d’abord comme soliste dans une partition rare du compositeur britannique York Bowen que l’on a parfois surnommé le « Rachmaninov anglais ». On admire immédiatement la rondeur chaleureuse de la sonorité de l’interprète dans l’une des deux sonates écrites pour l’alto. Nuances et extrême musicalité caractérisent cette belle exécution.
La soprano Claire Bouyssou se lance ensuite dans une démonstration étonnante d’adaptation aux extrêmes ! Elle chante tout d’abord l’air d’un comique irrésistible « J’ai deux amants, c’est beaucoup mieux… » extrait de la comédie musicale de Sacha Guitry et André Messager L’Amour masqué. Le contraste n’est pas mince avec la profonde mélodie Youkali, sorte d’hymne d’espoir pour tous les exilés, composé par Kurt Weill, exilé lui-même. La chanteuse passe avec intelligence et subtilité du comique de l’un au tragique de l’autre, de sa voix bien projetée dont le timbre sait parfaitement s’adapter au contenu du texte.
La cantatrice est rejointe par l’altiste Baptiste Donadio pour les deux lieder pour voix, alto et piano, op. 91 de Brahms, intitulé « Zwei Gesänge », et composés de « Gestillte Sehnsucht » (Désir apaisé) et « Geistliches Wiegenlied » (Berceuse sacrée). Une merveille de poésie, de musicalité, que les trois interprètes distillent avec raffinement.
La seconde partie de la soirée retrouve le ténor François Pardailhé, qui mène déjà une carrière notable, comme guide dans une série d’évocations liées au voyage. Toujours accompagné par Constans Despres, il chante d’abord la mélodie d’Ernest Chausson « Le Colibri », évocatrice de la Thaïlande. Belle diction, richesse du timbre, aisance sur toute la tessiture. Dans l’air fameux extrait de l’opéra de Georges Bizet Les Pêcheurs de perles, « Je crois entendre encore », François Pardailhé déploie toute une panoplie de nuances que met en valeur son utilisation de la voix mixte, permettant ainsi les nuances les plus subtiles qui soient et une souplesse remarquable du registre aigu.
La soprano Claire Bouyssou rejoint le ténor et le pianiste pour une succession de deux duos. Les deux chanteurs sont donc réunis, tout d’abord dans un extrait de l’opéra Lakmé de Leo Delibes. La combinaison des deux voix s’avère idéale dans l’équilibre sonore comme dans le pouvoir expressif. Enfin, le duo de la célèbre opérette de Franz Lehar, La Veuve joyeuse, « L’heure exquise qui nous grise » conclut la soirée, ou presque, dans une version élaborée par François Pardailhé lui-même et qui associe l’alto au piano. Baptiste Donadio est donc convié à participer à ce duo final. Si la tentative de pas de danse ne parvient pas vraiment au but recherché (…), ce duo doit être bissé pour tenter de satisfaire l’ovation enthousiaste du public.
Remercions l’organisation de ce festival estival pour cette initiative permettant à de jeunes artistes de se confronter à un public heureux de la rencontre.
Serge Chauzy