Le jeudi 29 février à la Halle aux Grains, l’Orchestre national du Capitole, placé sous la direction du chef et violoniste espagnol Roberto González-Monjas, apportait sa contribution au grand week-end toulousain consacré au jeune Mozart. Un programme astucieusement choisi, une direction vive et imaginative, un jeu instrumental de haut niveau ont assuré le succès de cette soirée à la rencontre de « Mozart de A à Z » !
Peut-on encore parler du « jeune Mozart », lorsqu’on évoque le génie musical disparu avant ses 36 ans ? On ne saurait pas plus qualifier ses premières partitions d’œuvres « de jeunesse »… C’est pourtant ainsi que l’on considère les compositions de l’enfant et de l’adolescent né, il est vrai, dans un milieu particulièrement musicien. A ce titre, le programme du concert du 29 février constitue un beau survol du grand œuvre symphonique du compositeur. Entre sa toute première symphonie et sa toute dernière, son Concerto n° 3 pour violon constitue une sorte de génial trait d’union.
La légitimité du principal invité pour mener à bien ce vertigineux survol, Roberto González-Monjas, ne fait aucun doute. Ancien premier violon solo de l’Accademia Santa Cecilia de Rome, ce jeune musicien s’est peu à peu imposé en tant que chef d’orchestre. Il s’apprête d’ailleurs à prendre la tête de l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg.
Les musiciens de l’Orchestre national du Capitole réunis pour cette soirée n’en constituent pas moins un ensemble symphonique « confortable » que justifie le style de jeu inspiré par le chef et parfaitement adapté aux œuvres abordées. C’est donc la Symphonie n° 1 en mi bémol majeur KV.16, qui ouvre cette soirée particulière. Cette partition d’un gamin de huit ans a de quoi surprendre. Ses trois mouvements ne se contentent pas d’exposer un savoir-faire exceptionnel, mais ils intègrent déjà quelques éléments qui caractériseront le « style mozartien ». Dès le premier mouvements, d’étranges dissonances viennent épicer le discours. Les cors, en particulier dans la deuxième section, mêlent leurs commentaires parfois teintés d’humour au soutien généreux des cordes. Quant au Presto final il semble préfigurer quelque ensemble d’opéra. La direction de Roberto González-Monjas confère à cette pièce une vivacité, un entrain, une bonne humeur bienvenus grâce au jeu acéré des cordes et aux belles ponctuations des vents, deux cors et deux hautbois pleins d’alacrité.
Mozart a atteint l’âge « vénérable » de vingt ans lorsqu’il se décide à composer ses concertos pour violon. Le Troisième, considéré comme « relevant du miracle » par le musicologue Alfred Einstein, porte la marque de la maturité. Roberto González-Monjas aborde donc cette partition à la fois comme chef et comme soliste. Dès les premiers accords, l’imagination de son jeu rejoint celle de sa direction. Les arêtes vives de la partition orchestrale laissent une pleine liberté au violon solo. On assiste alors à un déploiement fastueux des interventions du soliste qui pratique avec inventivité une ornementation de ses traits les plus virtuoses. Les diminutions qu’il conçoit apparaissent comme des clins d’œil. On admire en particulier l’élaboration soignée des cadences qui témoignent encore d’une imagination débordante et néanmoins d’un grand respect du style. Raffinement et sensibilité nourrissent les phrasés du génial Adagio, un des sommets absolus de l’œuvre. Le final pétille d’un joie communicative.
Après cette intervention comme soliste, Roberto González-Monjas reprend la baguette pour l’apothéose finale. Il s’agit de la Symphonie n° 41, qualifiée de « Jupiter », qui sonne pour certains musicologues comme une adieu à la symphonie. Alors que trompettes et timbales rejoignent l’effectif orchestral, le chef aborde cette partition avec énergie et détermination. Sa direction nerveuse souligne les contrastes et organise avec soin le dialogue des thèmes générateurs. Si l’Andante cantabile chante comme le demande le texte musical, de brefs accents, presque tragiques, contribuent à l’expression d’un discours implacable. Aucune complaisance n’est accordée au déroulement de ce mouvement intense et méditatif. Alors que la danse transcende l’essentiel du Menuetto, son Trio tisse une dentelle raffinée. Le sublime final, Molto allegro, prend une dimension quasiment cosmique. Sa construction contrapuntique est ici parfaitement éclairée de l’intérieur. La science presque « architecturale » aboutit à l’incroyable fugue finale au sein de laquelle se combinent les thème énoncés un à un tout au long de cet ultime étape. La direction fervente et dynamique, quasiment chorégraphique, du chef anime l’œuvre jusqu’aux derniers accords rendant ainsi justice à l’un des plus grands génies créateurs de l’histoire.
Pleine à craquer, la Halle aux Grains acclame avec passion l’ensemble des interprètes. Si le chef félicite chaque soliste et chaque pupitre, les musiciens l’applaudissent et lui manifestent leur reconnaissance. On note en outre qu’un public nouveau est venu assister à cette célébration. En témoignent les applaudissements fréquents et spontanés entre les divers mouvements de chaque œuvre… Que les nouveaux mélomanes soient les bienvenus !
Serge Chauzy
Programme du concert donné le 29 février 2024 à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse :
• W. A. Mozart :
- Symphonie n°1 en mi bémol majeur KV 16
- Concerto pour violon et orchestre n°3 en sol majeur
- Symphonie n°41 en ut majeur, KV 551 « Jupiter »