En ce 1er février 2024, la foule considérable ayant envahi le moindre siège du Théâtre du Capitole ne s’attendait certainement pas à vivre un moment très particulier. Et unique !
Dédié au baryton russe Aleksei Isaev, qui nous avait déjà foudroyé lors de sa première venue au Capitole dans le rôle de Vodnik (Rusalka – octobre 2022), ce concert, contrairement à la plupart des précédents, était composé d’airs d’opéras. Alors que ce chanteur se produit actuellement sur la scène du Capitole dans La Femme sans ombre de Richard Strauss (rôle du Borgne), il se présente à nous dans un répertoire italo-russe très varié, à même de déployer le panorama d’un talent qui nous a, à vrai dire, totalement sidéré. Otello et La Force du destin de Giuseppe Verdi, Tosca de Giacomo Puccini, Aleko de Serguei Rachmaninov, Le Prince Igor d’Alexandre Borodine, Le Démon d’Anton Rubinstein et La Dame de Pique de Piotr Ilitch Tchaïkovski, voilà, vous en conviendrez, un « Midi » particulièrement copieux. Ce que nous découvrons aujourd’hui c’est la voix rare d’un vrai baryton dramatique, une tessiture flirtant avec celle de baryton-basse, voire basse-baryton. La projection est impressionnante sur l’ensemble des registres, tous parfaitement soudés, le grave sonne péremptoire et les aigus conservent les harmoniques automnales de cette couleur barytonnante. Ce dernier point est le signe infaillible d’une voix parfaitement placée. Son Vodnik nous le faisait supposer. A présent il n’y a plus de doute. Ce jeune trentenaire dont on fêtait sur scène lors de ce concert le 35ème anniversaire, sera très rapidement un Amonasro, un Nabucco, voire, pour débuter Wagner, un Hollandais et pourquoi pas son compère en couleurs et tessiture : Telramund. Deux bis tout droit issus des chansons les plus célèbres de son pays natal achèvent cette prestation mémorable.
Mais si ce concert restera aussi dans la mémoire du public c’est parce qu’il était le dernier « Midi » accompagné par Robert Gonnella, chef de chant de l’Opéra national du Capitole depuis un quart de siècle. C’est juste avant de nous interpréter en solo un extrait des Saisons de Piotr Ilitch Tchaïkovski (Juin –Barcarolle) que Robert Gonnella s’adressa au public avec l’émotion légitime que vous pouvez imaginer pour prendre congé de lui. Un tonnerre d’ovations est venu saluer le professionnalisme et le talent de cet artiste qui a conduit au succès, avec une humilité exemplaire, près de 80 Midis du Capitole ! Sans oublier son véritable exploit accompli en octobre 2020 en remplaçant, au pied levé et pour raison de COVID, l’Orchestre entier pour une représentation de Cosi fan tutte. Chapeau bas !
Robert Pénavayre