Invité pour la première fois à diriger l’Orchestre national du Capitole, le grand chef Marek Janowski a fait vibrer, ce 30 septembre dernier, une Halle aux Grains pleine à craquer. Ce concert d’ouverture de la saison de notre Orchestre au meilleur de sa forme affichait un programme que l’on peut qualifier de « populaire » au sens noble du terme : Beethoven et Schubert.
C’est dans une Halle aux Grains rénovée à la suite de travaux menés au cours de l’été que Francis Grass, adjoint au Maire de Toulouse, Président de l’Établissement public du Capitole, commente tout d’abord ces récentes améliorations concernant la réfection des sièges et du plancher de la salle. Il évoque ensuite les nombreuses activités musicales de l’Orchestre au cours de l’été et ses participations à de nombreuses manifestations et festivals musicaux.
Ce premier concert de la saison toulousaine accueille donc pour la première fois, à la tête de l’Orchestre, une personnalité de premier rang international. Rappelons que le grand chef Marek Janowski est né en Pologne en 1939 et a grandi à Wuppertal en Allemagne. Il a notamment pris la direction de l’Orchestre Philharmonique de Liverpool au début des années 80 avant de rejoindre en 1986 le poste de chef principal de l’Orchestre du Gürzenich de Cologne. En parallèle de 1984 à 2000, il a occupé le poste de directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Radio France qu’il a marqué de son sceau.
Le programme de ce concert toulousain réunit deux partitions « numériquement » opposées de deux géants de la symphonie : la première en ut majeur opus 21 de Ludwig van Beethoven et la dernière (la 9ème) en ut majeur, D. 944, connue sous le nom de « Grande Symphonie », de Franz Schubert. Etrangement, ces deux partitions ont été composées au même âge, trente ans pour les deux ! Si l’œuvre de Beethoven marque le début d’une brillante carrière de symphoniste, celle de Schubert précède de peu sa disparition précoce à l’âge de 31 ans.
Marek Janowski aborde cette première partition de Beethoven avec une vitalité, un élan juvénile impressionnants. A la suite de l’introduction Adagio du premier mouvement, comme une interrogation suspendue, le tempo vif de la section Allegro con brio du même mouvement explose véritablement. Mais comme on le constatera tout au long du concert, la clarté du discours, la transparence de la structure orchestrale restent une constance de la direction. Le chef restitue avec brio toute la structure de la polyphonie qui conserve une lisibilité exemplaire, grâce aux arêtes vives impulsées par un rythme souverain. L’Andante Cantabile chante comme il se doit, alors que le Menuetto reste une danse joyeuse. La section Adagio du Finale, comme une hésitation sur le choix du thème, conduit à une nouvelle explosion lumineuse de joie. Une première ovation du public témoigne du bonheur ressenti par chacun.
Si l’esprit qui préside à l’exécution de la Symphonie n° 9 de Schubert s’avère bien différent, matière musicale oblige, la lisibilité de la structure polyphonique reste primordiale. Tout s’entend clairement : chaque chant et contrechant, chaque intervention de pupitre. L’ouverture de l’Andante initial par les deux cors (excellemment tenus) prend un aspect liturgique d’une belle solennité. Les longs développements de ce premier volet prennent parfois une tonalité héroïque. La puissance des tutti sonores s’équilibre avec la profondeur des passages méditatifs. L’Andante con moto évoque par sa démarche nostalgique comme un écho du Winterreise (Le Voyage d’hiver). Le solo de hautbois (excellent Chi Yuen Cheng) enrichit encore le pouvoir expressif de ce passage douloureux. Le combat qui semble se déchaîner un temps se résout sur un silence impressionnant, au cœur du mouvement, au cœur de l’œuvre. A la suite du Scherzo, brillamment rythmé comme le suggère la notation Allegro vivace, le Final, également Allegro vivace conclut l’œuvre sur une évocation puissante, dont il est difficile de savoir s’il s’agit d’une victoire ou d’une course à l’abîme. L’orchestre y brille de mille feux dans le maintien des équilibres sonores jusque dans les éclats les plus éblouissants.
Le chef est rappelé de multiples fois par les acclamations du public et on remarque que les musiciens l’applaudissent et refusent même de se lever pour laisser applaudir l’invité.
Vraiment, la saison symphonique débute sur les sommets !
Serge Chauzy
Programme du concert donné le 30 septembre 2023 à 20 h à la Halle aux Gains de Toulouse
- L. van Beethoven
- Symphonie n° 1 en ut majeur op. 21
- F. Schubert
- Symphonie n° 9, « La Grande », en ut majeur op. 944