Pour le premier Midi du Capitole de la saison 25/26, Christophe Ghristi a invité à se produire, en ce 1er octobre 2025, la mezzo-soprano gabonaise Adriana Bignagni Lesca, offrant ainsi au public toulousain le plaisir de la retrouver après ses débuts remarqués sur notre scène lors des dernières reprises de l’Orphée aux enfers de Jacques Offenbach dans lequel elle chantait L’Opinion publique (janvier 2025).
Accompagnée avec la science que nous lui connaissons par la pianiste Nino Pavlenichvili, Adriana Bignagni Lesca nous a proposé un récital en deux parties bien distinctes. La première nous offre la Carmen de Georges Bizet (Près des remparts de Séville), une chanson de Kurt Weill (Je ne t’aime pas), une autre de Sebastien Yradier : El arreglito. Arrêtons-nous deux secondes sur celle-ci car sa postérité ne manque pas de sel. Écrite en 1863, elle parvient aux oreilles de Georges Bizet qui va derechef s’en inspirer, très étroitement, pour en faire la Habanera de … Carmen. Nul doute que le public du Capitole n’a pas laissé passer ce « petit arrangement », que l’on peut traduire dans la langue de Cervantès par… el arreglito ! Suivirent un negro spiritual (Nobody knows the trouble I’ve seen), puis un extrait version jazzy de Porgy and Bess de George Gershwin (I love you Porgy), enfin un extrait de Sapho de Charles Gounod (O ma lyre immortelle). C’est peut-être dans ce dernier air que la cantatrice a donné la véritable dimension de son talent lyrique. La voix est d’une rondeur exceptionnelle sur tout un ambitus généreux s’appuyant sur des graves naturels stupéfiants d’aisance et de couleurs. Le timbre, sombre, évoque certainement celui de la créatrice du rôle, Pauline Viardot. C’est une grande voix que nous fait entendre Christophe Ghristi, à la technique parfaite, au phrasé ample, à la musicalité certaine et au tempérament dramatique qui ne l’est pas moins.

Et en parlant de tempérament, alors que Nino Pavlenichvili s’emparait du piano pour une pièce en solo du compositeur géorgien Giya Kancheli (1935-2019) : Petite suite, en coulisses se préparait une transformation radicale. En effet, de retour sur scène, Adriana Bignagni Lesca apparaît dans un costume gabonais éblouissant de couleurs, le visage peint de multiples signes traditionnels. La seconde partie de ce récital nous amène donc en Afrique équatoriale. Le piano va s’adjoindre différents instruments tout droit issus de l’héritage culturel de cette artiste. Prenant le public à témoin plusieurs fois, Adriana Bignagni Lesca nous fait entrer dans l’intimité non seulement de sa jeunesse mais aussi de son pays et de ses traditions, n’hésitant pas à nous faire participer. Le public est sous le charme complet ! Nous ne sommes plus au Capitole, nous voilà au cœur de la forêt, avec ses bruits intrigants, ses onomatopées, ses idiomes évocateurs d’aventures. C’est une véritable ovation qui salue ce court voyage dans un autre monde. Ravie de cet accueil, l’artiste nous offre un air de la griserie extrait de la Périchole de Jacques Offenbach à mourir de rire.
Une belle rencontre assurément et un Midi que personne n’oubliera certainement !
Robert Pénavayre