Après nous avoir régalés autant qu’instruits sur Giorgione, Le Maître de Moulins et Hugo van der Goes, Yann Quero est parti à la recherche de Levina Teerlinck (1520-1576), femme peintre, fille de l’enlumineur Simon Bening (1483-1561). En fait, et l’auteur le déclare, cette artiste mérite non seulement notre attention quant à son talent mais, de plus, elle est totalement méconnue du grand public et même ignorée des spécialistes. D’origine flamande elle va faire toute sa carrière au service de la royauté britannique, d’Henry VIII à Elizabeth 1ère en passant bien sûr par Edward VI et Mary 1ère.
Cette biographie romancée est évidemment particulièrement informée, de nombreux graphiques, cartes et appendices permettant de ne pas se perdre au milieu des quelques 150 personnages historiques, plus ou moins célèbres, que va croiser la jeune peintre, ou du moins que ce livre évoque. Les événements politico-géographiques qui vont marquer l’Europe de l’arrivée à Londres de Levina Teerlinck, alors âgée de 25 ans, en 1545, à l’accession au pouvoir d’Elizabeth 1ère en 1558, sont ici parfaitement documentés et l’œuvre d ‘un universitaire rompu à des recherches de haute précision.

En retraçant le parcours de Levina Teerlinck, Yann Quero nous parle de son œuvre, de ses commandes, souvent illustrées d’ailleurs, avec les réserves qui s’imposent encore aujourd’hui concernant la paternité de ces tableaux, gravures, sceaux royaux et enluminures. Mais il nous parle aussi de cette société dans laquelle la jeune artiste se confronte, avec tout un protocole de classes hallucinant. L’auteur nous immerge habilement au cœur cette époque dans laquelle les superstitions vont bon train jusqu’au plus haut niveau du royaume, en lien spécialement avec l’astrologie. Ce livre est aussi, mais vous l’avez compris, un livre d’Histoire d’une redoutable acuité dans le détail, n’hésitant pas à parler de décapitation, courante à ce moment-là, avec un recul qui aujourd’hui nous tétanise. Où il est question aussi de Calais, des luttes de religions ainsi que des très nombreuses alliances stratégiques au travers de mariages sidérants de complexité.
Le deuxième tome nous fera suivre le chemin de Levina Teerlinck tout au long du règne de la reine Elizabeth 1ère, règne au cours duquel l’artiste a réalisé les peintures attribuées au mystérieux Maître de la Comtesse de Warwick. Cette suite tome comprend pas moins d’une centaine d’illustrations. Nous en parlerons dans ces mêmes colonnes sous peu.
En attendant ce premier tome, époustouflant d’érudition, est absolument passionnant. Il prend parfois, grâce au talent de son auteur, des allures de page turner irrésistible. C’est dire !
Robert Pénavayre
« Levina Teerlinck, femme peintre des Tudor – tome 1 » Yann Quero – Editions Arkuiris – 362 pages – 23€
