Nous connaissons bien à présent tout le talent de Yan Quero pour nous faire revivre de manière subtilement romancée la vie de peintres à vrai dire inconnus par le grand public (Hugo van der Goes, Jean Hey). L’auteur récidive avec un artiste vénitien passé dans l’histoire sous le nom de Giorgione, en réalité Giorgio da Castelfranco (1477-1510). Oui, vous avez bien fait le calcul, ce peintre est mort à l’âge de 33 ans. Elève de Giovanni Bellini, il devient le maitre du Titien, fréquente Jérôme Bosch, Léonard de Vinci et Albrecht Dürer. Son œuvre est mystérieuse et âprement commentée par les experts. Il ne signait pas ses tableaux et sa disparition, suite à une épidémie de peste qui ravageait Venise en 1510, a laissé de nombreux travaux inachevés, terminés vraisemblablement par ses élèves, dont Titien. Giorgione se singularise par ses nus, ses motifs laïques, ses petits formats également, ses paysages auxquels il donne une signification propre. C’est vers lui que se sont précipités les premiers collectionneurs privés. Il demeure comme un artiste majeur, véritable clé de voûte entre le 15e et le 16e siècle.
Le roman biographique que nous propose aujourd’hui Yann Quero est magistral à plus d’un titre. Non seulement il nous raconte, avec la licence romanesque indispensable à pareil exercice, la vie personnelle et professionnelle du peintre, mais aussi cette Venise dans laquelle il vivait, avec ses coutumes, ses rites et traditions. Et tout cela sans faire l’économie des effets dramatiques des épidémies qui ravageaient le monde d’alors : peste, syphilis, etc. En universitaire parfaitement informé, l’auteur introduit sans lourdeur aucune la grande Histoire dans cette biographie au travers des conflits qui alors agitaient l’Europe. Venise et ses richesses, sa position géographique, attisaient la convoitise des royaumes européens mais aussi celle de l’Empire ottoman. La narration que nous propose Yann Quero est parfaitement chronologique et nous fait traverser cette période avec une érudite précision. Mais le « plus » indiscutable de cette parution, c’est d’avoir, au fur et à mesure de leur réalisation, inclus dans le récit les photos des tableaux concernés par le récit.
Un livre passionnant !
Robert Pénavayre
« Giorgione » Yann Quero – Editions Arkuiris – 467 pages – 20€