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Un Don Giovanni est né

Saluons tout d’abord le remarquable travail accompli depuis 1998 par Olivier Tousis, directeur artistique de cette manifestation. Il anime avec une fantastique pugnacité et les moyens… que l’on imagine, un festival qui n’a rien d’amateur. Loin de se contenter de rameuter quelques vacanciers en mal de loisirs, Olivier Tousis leur propose plutôt un vrai répertoire d’opéras. La programmation de cette année était d’ailleurs particulièrement exigeante. Voire ambitieuse. Rien moins que l’Iphigénie en Tauride de Gluck et le Don Giovanni de Mozart. Excusez du peu !
Composé de treize instrumentistes et d’un continuo (Denis Radou), l’Orchestre de l’Opéra des Landes, sous la direction de Brice Martin, nous donne à entendre la partition mozartienne dans une réduction pleine de sens et de couleurs. Olivier Tousis, au demeurant impressionnant Commandeur, assure également la mise en scène et la scénographie de ce spectacle sur la base de projections d’une belle tenue situant adroitement chaque épisode du livret. Avec en prime un film pendant l’ensemble concertant final montrant Don Giovanni non pas aux enfers mais disparaissant, à moitié nu, dans un océan d’écume. D’autres partis-pris interpellent, tel celui montrant une connivence évidente entre le Commandeur et Leporello, connivence visant à détruire le Don. C’est ainsi que le valet va lui-même mettre la main de son maître dans celle du Commandeur.

Frédéric Cornille (Don Giovanni)

Un plateau de qualité

Pour ce Don Giovanni, Olivier Tousis a réuni un plateau de qualité qui ferait honneur à bon nombre de théâtres. Tous les artistes ont recueilli un succès amplement mérité. Il en est ainsi de Catherine Manandaza, altière Donna Anna, au timbre chaleureux, au beau médium puissamment projeté. Il y a du soprano Verdi dans cette voix. Florence Barbara incarne avec aplomb une fulgurante Donna Elvira, Maela Vergnes, avec un timbre plus sombre, donne de Zerlina une vision d’une grande fraîcheur. Marc Souchet n’a aucun mal à imposer un Leporello de belle facture dans lequel il est aisé de déceler une grande complicité avec ce rôle. Le cas de Jean Goyetche est un rien plus délicat car, si le timbre correspond parfaitement au rôle d’Ottavio, la virtuosité requise, particulièrement dans le Dalla sua pace, le rencontre clairement en difficulté.

Dommage, car le phrasé et l’élégance sont là et le second air : Il mio tesoro l’éprouve beaucoup moins. Citons simplement le Masetto sensiblement décalé de Didier Tousis pour en arriver au rôle-titre, tenu ici par le baryton Frédéric Cornille. Pour ce jeune interprète, il s’agissait d’une prise de rôle. Outre un physique des plus avantageux, en particulier pour cet emploi, la voix et le style nous ont révélé de vrais trésors. Sur un ambitus couvrant largement deux octaves, la voix de Frédéric Cornille s’envole jusqu’au la naturel avec une incroyable audace. Ce qui sonne immédiatement à l’oreille est la parfaite homogénéité de cet organe dont les trois registres sont parfaitement soudés et projetés. Toutes qualités aujourd’hui rarissimes ! Le timbre, né au soleil de la Méditerranée, est dense et velouté à la fois. Quant au style évoqué plus haut, il n’est que d’entendre son Là ci darem la mano pour être littéralement confondu par la musicalité, l’art des nuances et le phrasé de ce baryton. Très habile scéniquement, il va, n’en doutons pas, mûrir encore ce rôle. Olivier Tousis a mis ainsi la main sur un interprète dont le talent et l’avenir sont riches de grandes promesses. Il donne un récital d’airs d’opéras, avec orchestre, dans le cadre du Festival du Vigan le 2 août prochain. A ne manquer sous aucun prétexte. Haendel, Gluck, Mozart, Bellini et Rossini y seront à l’honneur ainsi que le compositeur François Gilles qui a écrit à son attention une Ballade des pendus, sur le texte de François Villon (création mondiale).

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