Festivals

Polyphonies mariales

Après l’excitation exacerbée du concert d’ouverture, le Festival International Toulouse les Orgues proposait une halte extatique, en partenariat avec Odyssud, Blagnac. Le 12 octobre, la Maîtrise de Notre-Dame de Paris, accompagnée de l’ensemble de cuivres anciens Les Sacqueboutiers, présentait, dans la nef raimodine de la cathédrale Saint-Etienne son beau programme de motets dédiés à la Vierge et intitulé Inviolata.
Comme l’indique Michel Bouvard en ouverture, et suivant en cela la tradition du festival, ce programme mêle les époques. Ou plutôt il associe à la musique de la haute Renaissance, celle que cette période faste inspire aux compositeurs d’aujourd’hui. Ainsi la succession des motets de la Renaissance est ponctuée de courtes pièces d’orgue associant Jean Titelouze, Johannes Schrem et Francisco Correa de Araujo, des XVIème et XVIIème siècles au compositeur d’aujourd’hui Jean-Pierre Leguay. Yasuko Bouvard, au grand orgue de la cathédrale, se charge avec ferveur de ces intermèdes instrumentaux.

La Maîtrise de Notre-Dame de Paris et Les Sacqueboutiers, sous la direction de Lionel Sow

– Photo Classictoulouse –

Depuis le début du XIVème siècle, l’hommage musical à Marie s’incarne dans ce chant immaculé : « Inviolata, integra et casta es, Maria » (Tu es chaste et pure, Marie). Placé sous la direction experte de Lionel Sow, la Maîtrise de Notre-Dame explore ainsi la polyphonie complexe de cette littérature mariale irriguée par le plain-chant grégorien. La France, l’Espagne, les Flandres, l’Italie, le Portugal sont ainsi visités tout au long d’une trajectoire rêvée.

Composée d’un Chœur d’enfants (Jeune Ensemble) et d’un groupe de chanteurs adultes, la Maîtrise de Notre-Dame de Paris réunit les qualités qui font les grandes formations chorales. Justesse, cohésion, richesse expressive dans la rigueur pudique qui s’impose ici. Avec en plus cette pureté vocale, cette fraîcheur, attachées aux timbre juvéniles. Les beautés musicales des exécutions de l’ensemble résultent d’un travail incessant que mène Lionel Sow dans la préparation de ces jeunes chanteurs. Sa direction, sobre et élégante, sait obtenir d’eux les bons dosages, la dynamique adaptée au répertoire, l’expression juste. Le chant est soutenu, souligné, coloré par les cinq musiciens du bel ensemble toulousain Les Sacqueboutiers, composé ici de Jean-Pierre Canihac et Régis Singlit, cornets à bouquin, Daniel Lassalle, Frédéric Lucchi et Fabien Dornic, sacqueboutes.

La complexité de l’Ave maris Stella de Pedro Escobar s’oppose à la simplicité apparente de l’Ave Virgo gloriosa de Thomas Créquillon. Quelle richesse polyphonique dans les admirables pièces signées Tomas Luis de Victoria ! Son fastueux Salve Regina, la science des réponses en écho entre les voix et les instruments dans son Ave Maria, constituent des moments privilégiés. Sans oublier, bien évidemment les flamboyantes extases du grand Josquin Desprez, avec ses deux versions d’Inviolata, d’abord à 5 voix, puis finalement à 12 voix.

Soulignons en outre la beauté des pièces composées aujourd’hui par Caroline Marçot, membre éminente de la Maîtrise, et qui balisent le déroulement du concert. Voici une écriture qui allie mystérieusement, et sans hiatus, les techniques polyphoniques de la Renaissance, son architecture, aux harmonies contemporaines. Son Nigra sum, a cappella, en particulier, est d’une grande beauté. Pour la dernière séquence de la soirée, le chœur et les musiciens quittent l’estrade montée entre les deux nefs de la cathédrale pour délivrer les deux dernières pièces, deux Inviolata, l’une de Caroline Marçot, l’autre de Josquin Desprez, au milieu de l’assistance. Un beau dialogue par delà les siècles autour de la ferveur mariale.

Le programme de ce concert figure sur un album CD qui est récemment sorti sous le label Maîtrise Notre-Dame de Paris. Un reflet très fidèle et admirablement capté de cette belle association entre le chœur parisien et l’ensemble toulousain.

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