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Piano, ombres et lumière

Le 28 septembre dernier dans l’auditorium Jean Cassou du musée des Abattoirs, « Le plus beau film du monde », d’après François Truffaut, était associé au piano improvisé de Karol Beffa. « L’Aurore », de Friedrich Wilhelm Murnau, a marqué les esprits dès sa sortie en 1927. Ce film muet de légende n’a pas perdu un atome de son prestige et continue de subjuguer par son audace, son esthétique et son pouvoir de fascination.

Le pianiste, compositeur et improvisateur Karol Beffa (©Alix Laveau)

Murnau traite ici son image comme un peintre doublé d’un musicien. Le film se nourrit d’une multitude de natures mortes d’une richesse incroyable. D’autant plus incroyable que le noir et blanc en radicalise la beauté. Sublimes photos d’intérieur, jeux d’ombre et de lumière d’une nuit tour à tour menaçante ou onirique. La trame du scénario pourrait a priori paraître banale. Une simple histoire d’adultère, des caractères élémentaires et presque stéréotypés, une morale sauvegardée… Pourtant chaque instant capte l’attention, touche au plus profond, bouleverse par son humanité. Les trois acteurs principaux brûlent l’écran par leur profonde vérité. L’imagination fertile qui a présidé à l’élaboration du scénario n’a que peu d’équivalent dans toute l’histoire du cinéma.

Une image caractéristique du film

de Friedrich Wilhelm Murnau

“L’Aurore”
 
Comment ne pas évoquer la correspondance naturelle qui lie ce noir et blanc aux touches du piano. Karol Beffa, compositeur, pianiste et improvisateur, greffe sur ces images une musique structurée qui accroche l’attention sans pour autant distraire de l’œuvre visuelle qu’il souligne habilement. Point de redondance dans la correspondance entre le son et l’image. L’agitation visuelle ne nécessite pas celle de la musique qui se fait plutôt miroir du sens profond. Certains moments de grande intensité s’accompagnent d’ailleurs d’un silence angoissant. Néanmoins, une discrète allusion au thème du « Dies irae » fait planer un instant une douloureuse menace. Le jeu du pianiste atteint son paroxysme lors de l’orage et de la tempête qui se déchaînent sur le lac.

Un grand bravo à Karol Beffa qui, dans une complète obscurité, soutient de son piano les plus sublimes images que nous ait léguées le cinéma muet.

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