Festivals

Gloire immortelle !

Une distribution irréprochable vient de donner aux reprises du Faust de Gounod, devant le célèbre Mur du Théâtre Antique d’Orange, le lustre des soirées qui ont fait la gloire de ce lieu magique entre tous.
Absent des Chorégies depuis près de vingt ans, le Faust de Gounod, opéra-comique emblématique du patrimoine lyrique français, contient des merveilles musicales jamais égalées. C’est donc avec un réel plaisir, et aussi certainement un brin de nostalgie, que les festivaliers se sont pressés à ces deux représentations qui devraient avoisiner les 15000 spectateurs.

Et ils ont bien fait !

Scène de la Valse (photo Philippe Gromelle Orange)

Michel Plasson, l’âme de ce Faust

A la tête du Philharmonique de Radio France, Michel Plasson a donné une lecture à la fois merveilleusement romantique de cette partition en même temps que particulièrement attentive aux solistes. Sommet musical de cette soirée, la scène de la chambre est précédée d’un court prélude orchestral dans lequel Michel Plasson glisse toute l’angoisse qui étreint Marguerite. Somptueux !

René pape (Méphisto)

(Photo Cyril Reveret)

Si Xavier Mas (Siebel) parut un rien crispé vocalement, jusqu’à un accident sur le si bémol du dernier « victoire », qui paraissait prévisible d’ailleurs, les deux autres seconds rôles étaient franchement luxueux. Autant le Wagner de Nicolas Testé que l’incroyable Dame Marthe de Marie-Nicole Lemieux furent les dignes partenaires d’un quatuor de légende.

Galanterie mise à part, il faut bien citer la Marguerite d’Inva Mula en premier. Non seulement parce que son rôle est le plus long et le plus exposé, mais aussi parce que la soprano albanaise nous en a livré une interprétation littéralement anthologique. Ce timbre fruité, dont elle
garde le secret, allié à une technique et une musicalité frôlant la perfection, un aigu triomphant, un style inattaquable, des nuances à vous faire chavirer le coeur

d’émotion, la sensibilité même de cette artiste, tout concourt à porter cette incarnation au paroxysme de la beauté. Une immense acclamation devait saluer cette performance.

René Pape en Méphisto est du même niveau. Voix tellurique écrasant Le Veau d’or d’une insolence vocale stupéfiante, mais aussi sachant se plier aux subtilités de la sérénade, un français admirablement maîtrisé, voilà bien le portrait d’un Diable qui restera également dans la légende de ce lieu.

Le baryton québécois Jean-François Lapointe est tout juste… idéal dans le rôle de Valentin. On ne sait qu’admirer le plus chez cet artiste de haut vol, que ce soit une voix parfaitement homogène, idéalement projetée sur tout un ambitus ample et généreux, ou bien un styliste qui tutoie la perfection dans ce répertoire, ou bien encore un comédien particulièrement engagé nous donnant une « mort » formidablement émouvante. Une ovation méritée sanctionna cette prestation.

Inva Mula (Marguerite) et Roberto Alagna (Faust)

(Photo Philippe Gromelle Orange)

Le public fut un peu plus réservé au salut final pour le Faust de Roberto Alagna. Et c’est, à mon avis, injuste. Certes, ce dernier tenta quasiment l’impossible dans l’aigu de la cavatine en essayant de le donner en demi teinte. Le résultat ne fut pas probant, mais cela ne doit en rien faire oublier les formidables atouts de ce ténor : un timbre merveilleux de lumière, une prosodie parfaite, un style souverain, une voix large et homogène. Cela fait beaucoup et dans tous les cas c’est largement suffisant pour faire de Roberto Alagna l’un des meilleurs titulaires de cet emploi de par le vaste monde. Sous la direction et la poigne de fer de Patrick Marie Aubert (chef des chœurs du Capitole), les masses chorales d’Avignon, de Nice, de Toulon et de Toulouse furent également à la hauteur artistique requise pour ce spectacle.

Nicolas Joel fait donner les grandes orgues

Metteur en scène et scénographe de ce Faust, Nicolas Joel en a donné une vision qui restera longtemps dans les mémoires. Doublant le Mur d’un orgue gigantesque, il a fait de ce dernier non seulement l’instrument mais également le creuset cathartique de la religion. S’intégrant formidablement au Mur, ce dispositif est l’un des meilleurs que ce Théâtre ait accueilli. Les lumières de Vinicio Cheli et les costumes de Gérard Audier complètent cette vision follement romanesque de ce pilier du répertoire enfin remis à la lumière.

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