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D’Elisabeth Leonskaja à Christian Zacharias

Belle semaine que celle qui confronte deux talents de première grandeur, la volontaire Elisabeth Leonskaja et le subtil Christian Zacharias.
Le 12 septembre, la grande pianiste d’origine russe, une fois de plus hôte du cloître des Jacobins, ouvrait son récital sur la sonate KV 332 de Mozart. Un Mozart de charme, tour à tour engagé, rêveur, lyrique, mais toujours intense et émouvant, comme coulant de source.
Changement de ton avec l’ultime sonate de Beethoven, la mythique op. 111 qui ouvre la voie aux musiques les plus élaborées, la partition qui bouleverse la forme et le pouvoir expressif de la sonate pour piano. L’éblouissante exécution de Elisabeth Leonskaja transcende la beauté du son ou la rigueur du jeu. L’interprète va là à l’essentiel, au cœur de l’émotion, jusqu’aux limites de son instrument, comme si sa vie en dépendait. Piano incandescent, piano volcan, piano tsunami !

Christian Zacharias, en hommage à Vlado Perlemuter.

concert, l’artiste s’engage tout autant. Seulement voilà, le matériau compositionnel, reconnaissons-le, ne possède ni la densité, ni l’audace, ni la force expressive de l’op. 111. La charme opère néanmoins grâce au piano symphonique qu’anime avec panache cette immense artiste.
Christian Zacharias avait décidé de rendre hommage au grand Vlado Perlemuter qui anima de si belles soirées de Piano aux Jacobins. Le 15 septembre, Mozart, Ravel (un passage obligé), Chopin composent ainsi un beau portrait musical de l’artiste disparu.
Le toucher léger, transparent, fluide comme l’eau d’un torrent, que Zacharias met au service de la sonate KV 281 de Mozart, réjouit l’esprit. L’humour affleure ici ou là avec un parfait à-propos. Un humour que Valdo Perlemuter maniait avec gourmandise. Au cours du repas qui suivit l’un de ses concerts aux Jacobins, la discussion portant sur les aptitudes au bricolage, Vlado Perlemuter déclara, pince sans rire, avec cet adorable zozotement : « Je ne vaux rien. D’ailleurs, je n’ai jamais rien su faire de mes dix doigts… »
Christian Zacharias consacrait toute la partie centrale de son récital à Ravel. La Sonatine, intime et tendre, le patchwork imaginatif des « Valses nobles et sentimentales », la nostalgique « Pavane pour une infante défunte » et l’éblouissant « Jeux d’eau ». Le jeu transparent et fouillé du pianiste laisse s’épanouir chaque voix, chaque note, dans une lumineuse clarté.
La même clarté allège les trois pièces de Chopin qui concluent le concert. Le Nocturne en ut mineur, comme baigné d’un clair de lune, la Berceuse en ré bémol majeur, hantée de spectres et l’héroïque Barcarolle en fa dièse majeur, dégagés de tout sentimentalisme larmoyant, brillent comme des diamants. Deux bis de Chopin et de Scarlatti (quel stupéfiant détaché !) complètent la soirée.

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