A l’heure où sonne le glas en France de nombreuses institutions culturelles, il nous a semblé opportun d’interpeller Claire Roserot de Melin, Directrice Générale de l’Etablissement public du Capitole, en fait la Ministre des finances et du budget de l’Opéra national du Capitole. C’est, comme à son habitude, sans langue de bois ni de coton, qu’elle a bien voulu répondre à toutes nos questions. Il faut dire que certains chiffres sont plutôt réjouissants !
Rencontre
Classictoulouse : Lorsque nous nous sommes rencontrés en avril 2025, la saison dernière n’était pas finie. Quels ont été les chiffres les plus significatifs de sa fréquentation ?
Claire Roserot de Melin : J’ignore si la saison 24/25 a été une année record car je n’ai pas assez de profondeur historique sur ce genre de statistiques. En revanche, je sais que nous avons été à 94% de taux de remplissage, un taux qui est porté par une dynamique croissante depuis plusieurs années. Se pose d’ores et déjà le problème des limites sur lesquelles nous allons inévitablement buter : le nombre de places, car une fois le taux de 100% atteint, et cela nous arrive, que faire ? Si ce ne sont des mécontents qui n’auront pas eu de place ! Les murs ne sont pas extensibles tout comme le nombre de fauteuils… Nous ajoutons régulièrement des représentations, mais les calendriers, autant des artistes (répétitions et représentations) que de la technique (montage et démontage des décors) sont déjà très tendus. C’est la rançon du succès me direz-vous ! En tout cas, nous avons accueilli la saison dernière presque 200 000 spectateurs, quelle joie ! Je peux ajouter que grâce à notre politique tarifaire nous touchons un public très diversifié en terme de CSP. Autre grande satisfaction, quasiment le ¼ de notre public a moins de 27 ans. Ces jeunes spectateurs qui poussent régulièrement les portes de notre maison sont le public de demain autant que d’aujourd’hui, ne l’oublions jamais. Sur ce dernier point, il est vrai que nous menons une politique très volontariste à leur endroit avec, nommant, la création du Club Capitole Jeune pour les moins de 27 ans qui a déjà plus d’une centaine d’adhérents. Sans oublier bien sûr le Pass Jeune. Nous travaillons également beaucoup avec les scolaires que nous accueillons accompagnés de leurs professeurs au Capitole. C’est une activité fondamentale que nous suivons de très près car notre souhait, ne le cachons pas, est que ces visites pédagogiques aboutissent un jour à la venue « autonome » au spectacle.
Nous sommes à quelques jours de l’ouverture de la saison 25/26 de l’Opéra national du Capitole. La dynamique qui semblait se profiler lors de notre dernier entretien, alors que la billetterie venait d’ouvrir, s’est-elle confirmée ?
Billets à l’unité et abonnements sont en augmentation de 45% par rapport à la saison précédente ce jour. La dynamique est énorme. D’ores et déjà plusieurs soirées sont complètes, dont certaines n’auront lieu qu’en juin 2026 ! Alors, vous allez me demander pourquoi nous ne faisons pas de représentations supplémentaires. Je vous ai répondu techniquement plus haut mais je dois compléter en vous faisant remarquer que nous programmons des séries de plus en plus longues. Par exemple : 9 Don Giovanni, 8 Lucia di Lammermoor, 8 Carmen, 9 Casse-noisette… Par rapport aux récentes saisons passées, nos séries sont plus longues mais, si nous voulons continuer, et c’est notre souhait, d’avoir 7 ouvrages lyriques par saison, nous ne pouvons guère pousser ce curseur, si ce n’est vraiment à la marge. Donc l’augmentation du nombre de places proposées au public est significative.

Don Giovanni et Otello, ainsi que Casse-noisette étaient alors les spectacles fléchés par le public. Où en est-on aujourd’hui ?
Sur Casse-noisette nous sommes déjà à 87% de remplissage, sur l’Hommage à Ravel, 83%, Carmen et Don Giovanni dépassent les 90%, Thaïs est quasiment à 100%. Nous espérons, en toute confiance d’ailleurs, que le public va répondre à notre proposition de la création à Toulouse, et en France, de La Passagère, tout comme il l’a fait pour Voyage d’Automne l’an passé.
Au mois d’avril dernier vous nous avez confié être dans le plus grand flou financier concernant le montant des subventions métropolitaines à venir…
Nous ne sommes plus dans le flou je vous rassure. Cette subvention a été revue à la baisse en responsabilité commune sur des choix que le Capitole a dû faire afin de contribuer à l’effort général. La fidélité et l’engouement de notre public pour ce que propose Christophe Ghristi, tant en termes de titres que d’interprètes, sont évidemment essentiels !
De grandes maisons comme la Philharmonie de Paris ou le Met de New York, ouvrent leurs portes désormais à des pays étrangers, en l’occurrence l’Arabie Saoudite, dans le cadre de partenariat et de coopération culturelle.
Je ne suis pas dans une approche et une philosophie protectionnistes. Nous sommes un service public et, nous le constatons bien, chaque pays a son histoire quant au financement de son service public. Le système de la philanthropie à l’américaine fait que l’Etat donne le choix au privé du fléchage de ses impôts. Le Met fonctionne ainsi. La France a décidé de centraliser et de garder le choix d’attribuer ses moyens à tel ou tel service public. Si je suis attachée à cette vison, d’autant qu’elle structure mon activité, je pense qu’elle ne doit avoir aucun caractère d’exclusivité en matière de ressources pouvant aider à porter le service public. Cette maison ne nous appartient pas en tant que directeurs, elle est le patrimoine des Toulousains et de la France. Pour moi, il est essentiel que la puissance publique soit garante de ce qu’il se passe à l’intérieur. Notre labellisation en tant qu’Opéra national est une pierre angulaire de cette volonté. Et, vraiment, j’y suis très attachée. Mais je suis également quelqu’un de pragmatique et je n’ai pas peur d’affronter les principes de réalité. C’est pour cela que nous avons agrandi notre Cercle de mécènes en l’ouvrant aux particuliers. Les entreprises qui nous soutiennent associent leur image à notre maison et nous aident à défendre le service public, tout en induisant en interne une dynamique vertueuse en matière de culture d’entreprise.
Quelles sont les perspectives pour l’Opéra national du Capitole ?
Nous sommes dans une période de défi immense. Depuis plus de trois siècles d’existence le vaisseau Capitole a certainement tangué à plusieurs reprises. Il a même brûlé ! Il a connu dernièrement la crise du Covid et voyez comment il s’en est relevé. Aujourd’hui nous sommes dans une crise des finances publiques. Si, à un moment, il est nécessaire de participer à un effort collectif, nous devons en être un acteur et non pas une victime, au travers d’une créativité qui permet de sauver l’essentiel, à savoir l’excellence de cette maison, c’est-à-dire son savoir-faire, ses équipes, son public. Il faut à certains moments se réinventer tout en sachant que les périodes de crises sont aussi suivies d’une phase de rebond. Nous avons plein d’atouts pour négocier ce virage comme je viens de le dire, nos équipes et notre public, et je veux ajouter le soutien précieux de notre tutelle. Je reconnais que, aujourd’hui plus que jamais, se pose la question de faire les bons choix et de prendre les bonnes décisions.
Propos recueillis par Robert Pénavayre le 25 septembre 2025