Afin de célébrer comme il convient la carrière de ce ténor madrilène né il y a aujourd’hui 75 ans et, faut-il le préciser, toujours en activité (!), Warner nous propose une compilation afin que nul ne doute du talent de cet artiste, et surtout pas les nouvelles générations de mélomanes qui n’auront pas eu le privilège de l’entendre dans toute sa splendeur.
Artiste et non pas simple chanteur se tenant au plus près d’une partition. Artiste car capable d’aller chercher derrière chaque mot, chaque note, une intention, un sens, une vérité. Artiste car possédant ce don inné de s’approprier tous ses personnages, du jeune guerrier à l’amant fougueux et romantique, du roi fort et fragile à la fois au père dévasté par le chagrin. Avec Placido Domingo, pas un geste superfétatoire et ampoulé sur scène, que du signifiant, de l’émotionnel. Jamais il ne se coule dans la vision surannée de cet art lyrique qui fait encore florès sur trop de scènes.
La puissance de ce ténor est là, toute entière. Même au disque !
Et puis il y a la voix et son métal solaire, brûlant, impérieux, charnel, dans un médium et un grave qui annonçaient depuis longtemps sa reconversion dans les rôles de baryton. S’il n’eût jamais la même souplesse dans le registre supérieur que son confrère transalpin trop tôt disparu en 2007, sa technique lui permit d’aborder les emplois de lyrico-dramatique avec aisance malgré tout, offrant au répertoire interprété une ligne de chant exceptionnelle de longueur et de style.
Les enregistrements sélectionnés ici débutent en 1968 pour se terminer en 2003. Les plus anciens proviennent du premier récital que lui fit faire Teldec. Le jeune Placido a alors 27 ans et il est particulièrement émouvant de l’entendre avec toute sa fougue et sa générosité dans ces parangons de héros du répertoire dit vériste : Turridu, Canio, Chénier et ce Maurizio avec lequel il allait conquérir New York. Peu de répertoire lui fut étranger ; son français était remarquablement prosodié. Il fut tenté par Wagner mais se contenta prudemment de Siegmund et de rares Parsifal. Son rêve était Tristan. Seul le disque le lui permit… Son avenir se nomme Rodrigo, de Don Carlos, les rôles-titre de Macbeth et de Nabucco, Athanaël aussi, ainsi que de nombreux engagements en tant que chef d’orchestre. Sans oublier ses responsabilités de directeur de deux parmi les plus importants théâtres lyriques américains : Washington et Los Angeles. Un phénomène !