Disques

Tout Mahler par Boulez

Longtemps la France musicale est restée allergique à la musique de Gustav Mahler. Ce temps-là est bien révolu. L’affluence légitime qui accompagne tous les concerts consacrés au compositeur du Chant de la Terre en témoigne. Autre témoignage irréfutable, l’attention accordée par l’un des compositeurs chefs d’orchestre les plus à l’avant-garde, Pierre Boulez dont l’intégrale symphonique et vocale est enfin publiée chez DGG.
Né le 7 juillet 1860 à Kaliste, en Bohême, Mahler poursuivit l’essentiel de ses études au Conservatoire de Vienne. Il entreprit dès 1880 une double carrière de compositeur et de chef d’orchestre. Avec son accession, en 1897, au poste de directeur de l’Opéra de Vienne, Mahler aborde l’étape la plus prestigieuse de sa carrière officielle. La direction d’orchestre et celle de l’opéra de Vienne prenant l’essentiel de son temps, il ne pouvait se consacrer à la composition que pendant la période des vacances en été. Il avait besoin du calme de la nature pour trouver son inspiration. C’est à Maiernigg am Wörthersee qu’il trouva le lieu idéal. Il s’y fit construire en 1900 sa petite maison dédiée à la composition (Komponierhäuschen). C’est dans cet isolement qu’il composa, durant les mois d’été et jusqu’en 1907, ses œuvres majeures.

Mahler développa la forme symphonique au point d’en faire éclater le moule formel. Une symphonie se devait d’être, selon ses propres termes, un univers entier. De ce fait, il fut confronté à de grandes difficultés de présentation de ses œuvres. L’accueil en France fut assez contrasté. Claude Debussy, qui quitta ostensiblement la salle lors de la création parisienne de la 2e symphonie, déclara : « Ouvrons l’œil (et fermons l’oreille)… Le goût français n’admettra jamais ces géants pneumatiques à d’autre honneur que de servir de réclame à Bibendum. ».

C’était peu visionnaire, mais bien caractéristique d’une époque où la musique française et la musique allemande se livraient une guerre ouverte.

Depuis, les choses ont bien changé. L’intégrale discographique que Pierre Boulez, par ailleurs grand admirateur et interprète de Debussy, consacra à l’œuvre de Mahler en est témoin. Pour cet autre compositeur-chef d’orchestre, Mahler représente en quelque sorte le lien ou le chaînon manquant entre le romantisme héritier de Wagner et l’atonalisme des Schönberg, Berg et Webern. La compilation qui paraît regroupe l’ensemble des enregistrements réalisés par Boulez et publiés chez DGG entre 1995 et 2010. Les 14 CDs qui constituent cette somme rassemblent non seulement les dix symphonies (la 10ème dans sa version originale inachevée), mais également le Totenfeier (esquisse du premier mouvement de la 2ème symphonie) et l’ensemble des cycles de lieder avec orchestre : Das klagende Lied, Des Knaben Wunderhorn, les Lieder eines fahrenden Gesellen, les cinq Rückert Lieder, les Kindertotenlieder, et Das Lied von der Erde. De grands chanteurs participent à ces interprétations, de Christine Schäfer à Anne Sofie von Otter, de Magdalena Kožena à Violeta Urmana, en passant par Thomas Quasthoff, Christian Gerhaher, Johann Botha ou Robert Holl pour les principaux.

Plusieurs orchestres ont contribué à cette intégrale : le Chicago Symphony Orchestra (symphonies n° 1 et 9), le Cleveland Orchestra (symphonies n° 4, 7 et 10, ainsi que Des Knaben Wunderhorn), la Staatskapelle Berlin (symphonie n° 8) et tout le reste avec les Wiener Philharmoniker.

La vision que développe Boulez est évidemment très éloignée du romantisme échevelé mis en œuvre par certains chefs. Avec lui, la musique parle d’elle-même. La transparente clarté de sa direction permet de tout entendre des détails instrumentaux, comme de la grande ligne. Quelques pépites émergent cependant, comme cette 6ème, « Tragique » et implacable, comme cette inexorable 9ème de fin du temps, ou comme le Klagende Lied, cette étrange prémonition des Gurrelieder du jeune Schönberg. L’ensemble témoigne d’une impressionnante cohérence, jusqu’au bouleversant adieu au monde de l’Adagio de la 10ème. Voici une splendide intégrale pour une somme dérisoire (moins de 4 € le CD !)

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