Disques

Tchaïkovski et la passion latine

Le « Simon Bolívar Symphony Orchestra of Venezuela » poursuit une carrière d’une incroyable vitalité et le phénomène Gustavo Dudamel, son jeune et charismatique directeur musical, ne cesse pas d’étonner et de séduire. Rappelons que la phalange symphonique que dirige ce prodige aux allures d’adolescent est le produit d’un système éducatif exemplaire, fondé en 1976 par José Antonio Abreu qui décida de créer un orchestre dans chaque école de son pays. L’orchestre national, qui est l’émanation de ces « cellules » de base, réunit quelques deux cents enfants et jeunes gens, de 12 à 26 ans, issus de tous les milieux sociaux et de toutes les régions du pays. Il irrigue toute la vie musicale du pays et constitue un ambassadeur culturel exceptionnel du Venezuela.

Sans complexe, et avec raison, cette formation d’une jeunesse permanente poursuit son ascension irrésistible. La voici qui prolonge son exploration du monde romantique de Tchaïkovski. Après une 5ème symphonie éblouissante, Gustavo Dudamel rend hommage aux incantations inspirées au compositeur russe par le grand Shakespeare, source inépuisable à laquelle la plupart des grands compositeurs romantiques se sont abreuvés. Les trois poèmes symphoniques, baptisés Fantaisies par Tchaïkovski lui-même, sont gravés ici.

Si l’ouverture « Roméo et Juliette » est souvent programmée, il n’en est pas de même de « La Tempête », ni de « Hamlet ». Héroïque jusqu’au désespoir, la lecture de « Hamlet » atteint des sommets de tragédie. Avec « La Tempête », Gustavo Dudamel déchaîne toutes les forces de son orchestre. Et Dieu sait que ses musiciens ne connaissent pas de limite à leur dynamisme. Le volet méditatif de la partition n’en est pas moins tendre et lyriquement touchant. Enfin « Roméo et Juliette » réunit tous les éléments expressifs dont Tchaïkovski nourrit sa musique : drame, prière, détresse, extase. Le soin apporté aux détails, mais aussi l’impressionnante et ample progression tragique de l’œuvre sont ici parfaitement maîtrisés. La passion latine au service de l’âme slave !

Partager