Disques

Révélations musicales

Le célèbre ensemble de cuivres anciens de Toulouse, Les Sacqueboutiers, s’attache notamment, depuis quatre décennies, à la résurrection de pans entiers du riche répertoire de la Renaissance et du Baroque primitif. Claudio Monteverdi et Giovanni Gabrieli n’étaient pas les seuls à renouveler, à faire vivre et prospérer l’art musical. Parmi les maîtres injustement oubliés figure Giovanni Paolo Cima dont l’ensemble toulousain ressuscite une part importante de la musique vocale et instrumentale.
Giovanni Paolo Cima, né vers 1570 et mort en 1630 à Milan fut un contemporain de ces créateurs majeurs que furent Giovanni Gabrieli, Claudio Monteverdi ou encore Girolamo Frescobaldi. Originaire d’une famille de musiciens, il fut un compositeur très considéré à Milan. Si sa musique religieuse était assez conservatrice, ses œuvres instrumentales ont été plus innovantes. Il a été un des premiers compositeurs à concevoir et publier des sonates en trio en y faisant usage de deux instruments aigus et d’une basse continue. Il fut aussi l’un des premiers à utiliser le violon, le cornet à bouquin et la sacqueboute en tant qu’instruments solistes. Un tel répertoire ne pouvait qu’attirer les musiciens de l’ensemble toulousain. Ils réunissent donc pour cette parution un septuor instrumental de qualité et un duo vocal constitué de la soprano argentine Adriana Fernandez et du ténor Pierre-Yves Binard, deux compagnons fidèles du groupe.

Les musiciens toulousains ont choisi d’enregistrer ici ses « Concerti ecclesiastici », une collection de monodies sacrées et de motets à plusieurs voix accompagnés d’une basse continue. Une messe et quelques faux-bourdons, ainsi que six pièces instrumentales constituent un savant mélange de tradition et d’invention au sein duquel Giovanni Paolo Cima témoigne d’une manière inventive et délicate de composer.

Dix-neuf pièces se succèdent ainsi. Sonates instrumentales et interventions vocales alternent les atmosphères avec un soin particulier .

Comme à leur habitude, suivant en cela les préceptes de l’époque, les musiciens s’attachent à conférer à leurs instruments les caractéristiques de la voix humaine. Le somptueux Gaudeamus omnes a 4 qui ouvre la sélection donne le ton de cette musique du plaisir et du raffinement. Au cornet à bouquin de Jean-Pierre Canihac et à la sacqueboute ténor de Daniel Lassalle s’associent la sacqueboute basse de Joël Castaingts, le violon d’Hélène Médous, la viole d’Anne Gaurier, le théorbe de Miguel Rincon et l’orgue de Yasuko Bouvard. La fusion entre les instruments et les voix s’opère toujours avec subtilité et finesse. Dans les pièces en écho, la virtuosité des instrumentistes fait des merveilles. Ecoutez l’impressionnant Capriccio a 2 ou encore la Sonate in ré a 2 (avec son chromatisme étonnant) dans lesquelles cornet et sacqueboute font assaut de séduction. La large gamme des expressions s’étend de l’intimisme des pièces à deux voix, comme le Benedicam dominum pour ténor et violon, à l’ampleur des riches motets comme le Ornaverunt a 5 ou le double chœur Assumpta est Maria a 8.

Avec leur expérience acquise, les deux solistes adaptent leur chant au style de l’époque : peu de vibrato, fusion des couleurs en parfait accord avec les instruments. L’expression des affects reste dans les limites du sacré qui domine. L’organiste de l’ensemble, Yasuko Bouvard est ici aux claviers de l’un des instruments les plus anciens de France, celui de l’abbaye de Saint-Savin, synonyme de délicieuses saveurs.

La révélation est réjouissante !

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