Oui, cette version d’Aïda est un véritable monument digne des pharaons. Et cela nous le savons depuis longtemps car l’enregistrement date de 1961. Avant et après, de nombreuses intégrales ont vu le jour, mais aucune n’égale celle-ci prise dans sa globalité.
C’est un trio de jeunes trentenaires qui est devant les micros, pour les rôles principaux.
L’Américaine Leontyne Price a déjà fait sien le rôle de la Princesse éthiopienne depuis quelques années et il n’est de grande Aïda qui ne se donne sans elle. De fait, cette cantatrice possède tous les atouts du grand « verdi », format de soprano puissant, musical, large d’ambitus, au souffle inépuisable, au phrasé impérial et aux demi-teintes séraphiques. De plus, Leontyne Price a ce timbre moiré et ensorcelant que l’on trouve chez les chanteuses de couleurs comme Grace Bumbry ou encore Shirley Verrett.
A ses côtés, le ténor canadien Jon Vickers est un Radames foudroyant d’impétuosité mais aussi de doutes et de passion. Il faut entendre ces deux interprètes magnifiques dans le duo final, nouant leurs voix dans des envolées vertigineuses autant qu’éthérées. Sublime ! Face à eux se lève le mezzo belge Rita Gorr dont le timbre charnu et dense donne à la fille du pharaon une autorité sans faille, particulièrement dans le registre aigu de la falcon véritable qu’elle est. Ecoutez la scène du Jugement ainsi que le duo qui précède et vous comprendrez le volcan qui sommeille chez cette artiste qui fut une Ortrud de légende sur la Colline sacrée. De quelques années leur aîné, le baryton américain Robert Merrill connaît son Amonasro par cœur pour en avoir été le titulaire au MET de New York. Phrasé et splendeur du timbre et de l’émission en font un redoutable roi déchu. Il serait injuste d’oublier les deux basses. J’ai cité l’Italo-américain Giorgio Tozzi, Ramfis de haute stature vocale, et le vétéran de ce plateau (41 ans !!!), la basse italienne Plinio Clabassi, Pharaon tout de dignité et de rondeur dans son émission.
Et puis il y a le Hongrois Georg Solti, grand chef d’orchestre disparu il y a tout juste 20 ans. Il hisse les phalanges autant musicales que chorales de l’Opéra de Rome vers des sommets de dynamiques, de nuances, de couleurs. Somptueux. Il n’est rien de dire que sa direction inspirée est pour beaucoup dans la valeur de ce témoignage malheureusement d’une autre époque, à des années-lumière de ce que l’on peut entendre aujourd’hui, que ce soit, cet été encore, à Orange et même à Salzbourg !
A toutes et à tous, selon la formule aujourd’hui consacrée, ce coffret s’impose comme une référence, un véritable mètre-étalon. Incontournable !
Point technique, cette nouvelle présentation nous arrive dans un son remastérisé d’une magnifique transparence. Ce coffret comprend trois CDs, deux pour un pressage normal, un autre en blu-ray. Ce dernier contient à lui seul l’intégrale ! En fait, cet album nous offre deux intégrales d’Aïda.