Alors qu’il vient de donner à Toulouse un grand récital centré sur la musique romantique, le grand pianiste norvégien Leif Ove Andsnes publie chez EMI un album CD d’une brûlante actualité consacré à quelques productions récentes.
Le concerto pour piano et orchestre du compositeur français Marc-André Dalbavie en constitue le prétexte central. Créé en 2005 à New York, et dédié à son interprète soliste, Leif Ove Andsnes, cette œuvre se rattache au courant qualifié de musique « spectrale », vocable imaginé en 1979 par Hugues Dufourt. Une débauche de timbres, une superposition de strates colorées et aux rythmes complexes caractérisent cette musique qui n’engendre jamais l’ennui. Le piano y joue le rôle traditionnel du soliste d’un concerto presque comme un autre.
Le déploiement rutilant de la couleur instrumentale trouve en Leif Ove Andsnes l’interprète idéal.
Le concerto pour piano de Witold Lutoslawski, dont la création date de 1987 et qui contient des éléments remontant aux années 1930 à 1940, résonne en miroir avec la partition de Dalbavie. Espaces infinis, effets chromatiques, fluctuations subtiles autour de la tonalité en font une œuvre passionnante. L’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise, dirigé par Franz Welser-Möst tisse autour du soliste un paysage d’un relief étonnant et d’une profonde expressivité.
S’intercalant entre ces deux vastes et belles pièces concertantes huit miniatures pour piano seul, extraites de « Játékok » (Jeux), du Hongrois György Kurtág, opposent à l’opulence des deux concertos une confidence intime et comme murmurée. Enfin deux œuvres, également pour piano seul, du jeune quinquagénaire norvégien Bent Sørensen encadrent le tout. « Lullabies », douce berceuse ouvre le ban alors que « The Shadows of Silence » (qui donne son titre à l’album) le referme sur une alternance d’ombres et de lueurs ponctuées par d’étranges carillons de cloches.
La succession de ces pièces diverses et ouvertes qui gravitent les unes autour des autres confère à cet album un charme hypnotique rare qui doit beaucoup à son interprète principal. On se prend à remettre sur la platine le CD qui vient de s’achever…