Disques

Le retour vers Schubert

Déjà en 2009, David Fray avait gravé un très bel album consacré à Schubert. Après avoir abordé sur d’autres rivages, sans jamais quitter cette fréquentation familière, voici le retour du jeune pianiste tarbais vers ce grand musicien de l’intime. Si l’interprète a certainement mûri, son approche de l’œuvre poétique et imaginative de Schubert conserve et prolonge encore l’intériorité qui caractérisait déjà ses interprétations précédentes.

Le pianiste associe dans ce nouveau programme l’idée germanique de « Fantasie », plus proche du terme français « imagination » que de celui de « fantaisie », à l’ouverture vers la musique de chambre représentée ici par deux pièces à quatre mains. Il reçoit pour cela le soutien de Jacques Rouvier, grand musicien, qui fut le maître déterminant de David Fray.

Lors d’un entretien que le jeune pianiste nous avait accordé en 2009, il déclarait à son propos : « Il a été celui sans lequel toutes les rencontres postérieures n’auraient pas été possibles. Il m’a vraiment formé. Il m’a appris les choses essentielles qui m’ont permis ensuite de me construire en tant qu’individu et en tant qu’artiste. »

Le programme de ce nouvel album chargé d’émotion s’ouvre sur la Sonate en sol majeur D. 894 titrée « Fantasie ». Dès les premières mesures du Molto moderato e cantabile, l’interprète traduit fidèlement le titre de ce mouvement.

La subtilité du tempo, la beauté du chant, la pudeur de l’expression vont droit au cœur de l’auditeur. Après la profonde méditation de l’Andante et le « sourire à travers les larmes » du Menuetto, l’Allegretto final ouvre sur un au-delà d’une cruelle douceur. Comme dans son premier témoignage schubertien, avec peut-être une intériorité encore plus aboutie, la douceur du toucher, le poids des silences, créent un climat automnal qui prolonge celui des grands cycles de lieder de Schubert. Ainsi murmurées, les mélodies touchent au plus profond. L’alternance majeur-mineur, si caractéristique de l’écriture schubertienne, colore le discours d’une étrange lueur crépusculaire. David Fray choisit délibérément la réserve sonore, les tempi modérés, les nuances intermédiaires, à même d’exprimer autant la détresse que le mal-être. Son piano ne cherche pas à briller, mais plutôt à éclairer chaque pièce de l’intérieur.

Toute la mélancolie du monde s’épanche dans la Mélodie hongroise en si mineur : trois minutes de pure émotion !

Dans les pièces à quatre mains, la fusion des jeux des deux partenaires procède d’un mimétisme fascinant. La Fantaisie en fa mineur D 940 emprunte plus que jamais les chemins douloureux du « Voyage d’hiver »… La mélodie lancinante, comme murmurée pour soi-même, émeut au plus haut point. La révolte centrale, mesurée et plus intérieure que démonstrative, n’en a que plus d’impact.

Enfin, l’Allegro en la mineur D 947 illustre bien son titre de « Lebensstürme » (Orages de la vie). Un frémissement constant parcourt toute l’œuvre. David Fray et Jacques Rouvier communient ici dans la même transparence, dans la même ferveur. Gageons que le jeune pianiste a encore beaucoup de choses à révéler de « son » Schubert.

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