Disques

Flûtes en folies

L’Orchestre Baroque de Montauban / Les Passions ne limite pas ses activités musicales et programmatiques au répertoire français du Grand Siècle, dans lequel il excelle. Sous la direction de Jean-Marc Andrieu, par ailleurs flûtiste à bec, il visite aussi Bach ou Telemann, ainsi que les autres grands compositeurs baroques, notamment italiens. Dans cette parution, Jean-Marc Andrieu laisse enfin libre cours à ses talents de flûtiste sur le thème éminemment baroque de La Follia.

Le motif des « Folies d’Espagne » est devenu à cette époque-là un véritable « standard » que tous les musiciens ont tenu à illustrer et sur lequel ils ont écrit de multiples variations.

La Sonate de Corelli qui ouvre cet album a été doublement transcrite par Walsh et Geminiani. Jean-Marc Andrieu a réalisé une sorte de synthèse, pour flûte à bec et cordes, de ces deux transcriptions. La Sonate en trio de Telemann, la Ciaccona de Marcello et la Sonate de Sammartini ont toutes trois été composées explicitement pour la flûte, alors que la sonate en trio de Vivaldi est jouée dans sa transcription pour flûte. L’interprète n’a pu résister ici à arranger pour trois parties de flûte la Chaconne pour trois violons de Purcell.

Il s’est même enhardi à jouer lui-même les trois parties solistes, re-recording aidant ! Le résultat est bluffant. Une aria de la Cantate des Paysans de Bach et la fameuse pièce pour clavecin « Le Rossignol en amour » de Couperin ont également été habilement réécrites pour l’instrument.

La surprise vient de la dernière partition, originale celle-là, basée sur le thème de La Follia. Elle a pour auteur le compositeur et pianiste toulousain d’aujourd’hui Thierry Huillet dont on connaît l’imagination féconde. Cette commande de l’orchestre Les Passions, créée à Toulouse le 2 février 2010, témoigne de l’originalité qui caractérise l’inspiration du compositeur. Plaçant ses pas dans les traces de ses grands prédécesseurs, celui-ci élabore une série de variations sur le fameux thème, empruntant à de multiples influences musicales. Son éblouissant kaléidoscope explose sur une sorte de big-bang sonore, image bouillonnante et vraiment folle d’où émerge peu à peu l’organisation de ces variations, à l’image d’un Jean-Féry Rebel qui ouvre en 1737 son étonnante création du monde, « Les Eléments », sur le chaos initial. L’Espagne « pointe sa corne », avec la complicité de la guitare habile de Renaldo Lopes. La flûte à bec, ou plutôt LES flûtes à bec, jouées simultanément par Jean-Marc Andrieu, empruntent tous les effets possibles jusqu’à la technique du Flatterzunge. Humour, suspense, fièvre animent tour à tour ce brillant exercice de style jusqu’à sa conclusion sur une sorte de fugue en forme de clin d’œil. Une folie, un vrai bonheur !

Jean-Marc Andrieu, habile et subtil à la flûte, ou plutôt aux flûtes, est accompagné, au meilleur sens du terme, par les cordes des Passions, le théorbe et la guitare baroque de Ronaldo Lopes, le basson de Mélanie Flahaut ainsi que le clavecin de Yasuko Uyama-Bouvard.

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