Disques

Dvořák, du « Nouveau Monde » aux racines tchèques

La cantatrice devenue cheffe d’orchestre Nathalie Stutzmann revisite deux des grandes productions américaines du compositeur tchèque dans cette nouvelle parution discographique. La plus célèbre de ses symphonies y est associée à sa contemporaine et rare Suite Américaine, jouée ici par l’une des grandes phalanges symphoniques de ce « nouveau monde » d’aujourd’hui, l’Orchestre Symphonique d’Atlanta.

La contralto française Nathalie Stutzmann a mené une belle carrière dans des rôles lyriques qui ont mis en valeur la beauté de son timbre sombre et de son art du chant. Elle a ensuite abordé la direction d’orchestre qui lui a permis de chanter tout en dirigeant l’orchestre de chambre qu’elle a fondé sous le nom d’Orfeo 55. Elle a ensuite franchi le pas vers une carrière de cheffe d’orchestre symphonique.

Après ses débuts dans la fosse du Met à New York, puis à Bayreuth au cours de l’été 2023 dans “Tannhäuser”, Nathalie Stutzmann a également présidé le jury de la 3ème édition du concours international de cheffes d’orchestre La Maestra. Elle proclame, dans le livret qui accompagne cette parution : “Je ne serais certainement pas la cheffe que je suis aujourd’hui sans cette carrière de chanteuse”. À la tête de l’Orchestre Symphonique d’Atlanta depuis 2022, cheffe invitée principale de l’Orchestre de Philadelphie aux côtés de Yannick Nézet-Séguin jusqu’en 2026, Nathalie Stutzmann sort son premier album CD à la tête de ce bel Orchestre Symphonique d’Atlanta dont elle est devenue la Directrice musicale.

Nathalie Stutzmann – Photo Simon Fowler –

Dans ce programme musical consacré à Antonín Dvořák en Amérique, Nathalie Stutzmann met paradoxalement au premier plan les racines tchèques des deux œuvres qui le composent.

La Suite Américaine en la majeur (opus 98b, 1895), d’abord écrite pour le piano, a été composée à New York en 1894 en moins d’une semaine. Elle a ensuite été orchestrée en deux temps, juste avant le départ de Dvořák pour l’Europe et plus d’un an après son retour. Sous la direction de la cheffe française, l’orchestre d’Atlanta exalte la danse d’Europe centrale. L’alternance des caractères contrastés des cinq mouvements témoigne d’une certaine influence américaine mais ancrée dans la tradition slave que l’interprétation met clairement en évidence.

De la célébrissime Symphonie n° 9, baptisée « Du Nouveau monde », Nathalie Stutzmann donne une vision presque chambriste. Dès le premier volet, Adagio – Allegro molto, la structure symphonique témoigne d’une clarté, d’une transparence pleine de finesse et de subtilité. Rien de massif dans le déploiement des richesses de l’orchestration. Le Largo distille une profonde nostalgie. Son thème principal semble ici plonger ses racines dans la musique populaire tchèque plus que dans le folklore indien auquel on l’associe souvent. Vif et joyeux, plein de contrastes et de rythmes de danse, le Molto vivace ouvre la voie à un final Allegro con fuoco, certes très animé, mais dirigé avec plus de lyrisme que d’héroïsme. La coda y gagne une belle transparence dans laquelle les deux thèmes principaux de l’œuvre se mêlent habilement.

Voici donc une très belle proposition discographique, une offre d’une grande originalité qui renouvelle la vision d’une œuvre, cette 9ème symphonie devenue « tube » universel, et révèle les beautés d’une partition nettement plus rare, la Suite Américaine.

Serge Chauzy

ERATO : Réf. 5021732263797

Enregistrement « live » les 9 et 11 novembre 2023 dans l’Atlanta Symphony Hall

Prix FNAC : 15,99 €

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