La musique ancienne ne cesse de s’ouvrir sur de nouveaux répertoires et de nouveaux interprètes. Cette récente parution discographique en est un bel exemple. Elle constitue le premier enregistrement d’un jeune ensemble, La Quintina, quatuor vocal et instrumental qui décide de révéler au grand public un compositeur britannique du XVIème siècle encore peu connu, Nicholas Ludford.
Fondé en 2019, l’ensemble La Quintina tire son nom d’une caractéristique particulière de la musique sarde : une cinquième voix produite, sans être chantée, par les harmoniques des chanteurs. Dirigé par Jérémie Couleau, il se compose ici d’Esther Labourdette, cantus (voix de soprano), de Sylvain Manet, altus (proche de la voix de contre-ténor), de Jérémie Couleau, lui-même ténor, et de Christophe Deslignes qui joue de l’orgue portatif médiéval ou organetto, instrument primitif plein de surprises sonores. La Quintina propose donc un programme original de musique anglaise, joliment intitulé Heavenly Songes (Chants célestes).
Né vers 1490, mort en 1557, le compositeur anglais de la période Tudor, Nicholas Ludford a bénéficié d’une certaine notoriété de son vivant. Son œuvre n’est pourtant pas passé à la postérité, même si, comme l’indique Jérémie Couleau dans la présentation très informée de cet album, le compositeur et théoricien Thomas Morley le mentionne auprès de noms célèbres comme ceux de John Dunstable, John Taverner, Thomas Tallis ou encore William Byrd. Le musicologue David Skinner qualifie Ludford de « l’un des derniers génies méconnus de la polyphonie de l’époque Tudor ».
Ludford a écrit quelques 17 messes connues, un plus grand nombre que tout autre compositeur anglais de l’époque. Trois d’entre elles sont maintenant perdues et trois survivent seulement sous forme de fragments. Sept parmi les onze messes complètes que l’on connaît constituent un étonnant cycle complet de messes votives à la Vierge. C’est le cas de la Missa Sabato que l’ensemble La Quintina reconstitue ici avec talent et conviction. Les interprètes s’investissent dans cette succession des épisodes constitutifs de la Messe dont ils soignent les contrastes et les atmosphères. Ils y intègrent avec sensibilité et à propos une série d’improvisations sur des pièces anonymes. Les séquences à trois voix et à voix soliste alternent avec quelques intermèdes purement instrumentaux. On retrouve ou redécouvre avec curiosité, dans ces intermèdes, les étranges et riches sonorités de l’orgue médiéval portatif.
Admirons en particulier la lumière qui émane de la « Sequentia hodierne lux diei » ou encore la foisonnante polyphonie du « Credo », l’un des sommets de cette parution. Les trois voix s’équilibrent parfaitement et se mêlent harmonieusement grâce aux timbres bien différenciés et néanmoins très complémentaires.
Voici qui augure bien de l’avenir de ce jeune ensemble, original et inventif, dont on peut attendre et espérer de nouvelles découvertes.