Danse

Un trésor pour l’éternité

Créée en 1967 par le New York City Ballet, Joyaux, œuvre emblématique de George Balanchine, est entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris en 2000 dans les décors et costumes de Christian Lacroix. Le succès des présentes reprises démontre l’attachement du public au chorégraphe russe naturalisé américain, disparu en 1983 à l’âge de 79 ans.

Laëtitia Pujol et Mathieu Ganio (Emeraudes) (Photo Agathe Poupeney)

La vie sentimentale de George Balanchine fut assez mouvementée pour être, à elle seule, la preuve de sa passion pour la gent féminine. Cette passion, sans nul doute, est inscrite en lettres de feu dans ces Joyaux.

En ce printemps 1967, Balanchine avait déjà choisi les compositeurs de sa nouvelle soirée de ballets. Chacun représenterait un pays, Tchaïkovski pour la Russie, Fauré pour la France et Stravinski pour les Etats-Unis. C’est en passant devant les vitrines de Van Cleef et Arpels, sur la Cinquième Avenue, qu’il s’arrêta un instant sur les fabuleuses pierres précieuses exposées.

Il osa même pousser la porte d’entrée et tomba sur… Arpels junior, grand admirateur de ses ballets. Si ce dernier lui offrit de financer les décors de son prochain ballet, dans la tête du chorégraphe, les émeraudes avaient déjà rejoint Fauré, les rubis la musique de Stravinski et les diamants sa chère patrie natale et Tchaïkovski. Il ne restait plus qu’à parer ses danseuses de ces précieuses gemmes. La création de ce ballet fut un triomphe.

Mathias Heymann (Rubis)

(Photo : Agathe Poupeney)

Réclamant une virtuosité technique absolue, l’interprétation de cette oeuvre, dénuée de tout ressort dramatique, se situe tout entière dans l’univers de la beauté formelle.

En ce 2 novembre, l’Opéra de Paris affichait un plateau grandiose.

Long tutu « vert Nil » pour Laëtitia Pujol et somptueux pourpoint émeraude pour Mathieu Ganio (Etoiles), mousseline écarlate pour Clairemarie Osta et pourpoint d’un rubis profond pour Mathias Heymann (Etoiles), dentelle argentée pour Marie-Agnès Gillot (Etoile) et tenue de diamant pour Karl Paquette (Premier danseur), il est vraiment difficile de ne pas être saisi, chaque fois, par la splendide esthétique de cette réalisation. D’autant que le Corps de ballet de l’Opéra de Paris et les solistes ci-dessus nommés sont au diapason de ce sommet d’élégance.

Conjuguant à la perfection la virtuosité et la musicalité indispensables à cet ouvrage, ils

nous amènent tour à tour, dans une chorégraphie ouvertement néoromantique animée de ces éclairs qui ont ouvert les portes de la danse actuelle, dans des mondes oniriques, sous-marins et sylvestres (Emeraudes), mais aussi dans celui plus canailles et ambigus des cabarets (Rubis), pour enfin, nous laisser, éblouis, dans celui de la pureté absolue (Diamants), ici en forme d’hommage chorégraphique à la grande école russe.

Le Corps de ballet de l’Opéra de Paris (Diamants) (Photo : Agathe Poupeney)
L’Orchestre de l’Opéra national de Paris, sous la direction de Kevin Rhodes, accompagne cette soirée d’élection avec toute l’attention et le raffinement qui s’imposent.

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