Danse

Soirée Roland Petit : Frédéri… et les autres.

Dans son propos de défendre la pérennité du répertoire, qu’il soit classique ou néoclassique, Kader Belarbi proposait un programme entièrement consacré à Roland Petit, l’un des chorégraphes majeurs du XXème siècle. Lui qui fut, à l’Opéra, l’un des grands interprètes de ses ballets avait déjà inscrit au répertoire de la Compagnie toulousaine Les Forains (en 2014). Il accompagne la reprise de ce ballet de L’Arlésienne et de Carmen pour enrichir le répertoire de la troupe.

Les Forains : Kateryna Shalkina et Davit Galstyan – Photo David Herrero –

Les Forains. Cette œuvre, créée en mars 1945 en quelques jours, était, à l’origine, le divertissement d’un soir. Elle deviendra la première des œuvres emblématiques du chorégraphe où, déjà, il développe ce qui deviendra rapidement la signature de son style : ballet narratif, grande maîtrise du langage chorégraphique. Cette pièce baigne dans une atmosphère tendre et mélancolique à la fois, non sans rapport avec l’état d’esprit du pays à ce moment-là, qui nous conte le quotidien d’une troupe de saltimbanque avec ses joies (le spectacle) et ses peines (la pauvreté et l’indifférence lorsque l’artiste laisse place à l’homme). Il n’y a dans cette pièce que des individualités. Le Monsieur Loyal de Davit Galstyan est le feu follet de la troupe qu’il mène avec entrain, ses sauts traduisent son enthousiasme et ses tours de magie soulignent ses dons de comédiens, tandis qu’il sait se montrer parfait avec ses partenaires : Kateryna Shalkina, et la toute gracieuse Louise Nesson, dont on devine déjà le potentiel pour réussir dans ce métier. Juliette Thélin entre la première en scène portant le poids de cette vie sans joie sur ses épaules avant de se transformer, chrysalide qui devient papillon, en une Loïe Fuller, impressionnante dans le maniement des longs voiles de son costumes qui n’affectent en rien ses piqués-arabesques parfaits. Le Clown de Philippe Solano est vibrionnant à souhait, ses sauts sont spectaculaires. Ce danseur est une vraie bouffée d’énergie lorsqu’il est sur scène. Tiphaine Prévost et Ichika Mayuma incarnent dans un parfait unisson les Sœurs Siamoises, réunies par un immense nœud de ruban le temps d’un spectacle. La Belle Endormie de Kateryna Shalkina est légère et très à l’aise dans le début du ballet, pourtant, dans le pas de deux, on a peine à croire que le personnage évolue sous hypnose comme le souhaite Roland Petit. La musique d’Henri Sauguet et les décors et les costumes de Christian Bérard ne sont pas les moindres charmes de ces Forains.

L’Arlésienne : Ramiro Gómez Samón

– Photo David Herrero –
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L’Arlésienne : Julie Charlet et Ramiro

Gómez Samón – Photo David Herrero –

L’Arlésienne. Dans ce ballet de 1974 le chorégraphe évoque, plus qu’il ne raconte, l’obsession suicidaire du héros, Frédéri, pour la belle (on le suppose) Arlésienne dont l’ombre plane sur le plateau sans jamais apparaître. Le corps de ballet entoure le couple Vivette-Frédéri et l’enroule dans ses méandres, les rapproche, les éloigne sur fond d’image provençale que Van Gogh a inspiré à René Allio, le décorateur. Encore une fois il faut souligner l’homogénéité de l’ensemble dans cette chorégraphie si proche du folklore et pourtant si précise. A ces ensembles succèdent des duos, de plus en plus durs, rudes, annonçant l’inéluctable. Julie Charlet était la tendre Vivette amoureuse et de plus en plus désespérée par l’état de sidération dans lequel se trouve son fiancé. Elle est parfaite de naturel et de spontanéité, relevés par une technique irréprochable. Ramiro Gómez Samón est impressionnant dans son interprétation de Frédéri. Absent, hors de la réalité qui l’entoure, tourmenté, il insuffle à son personnage une présence casi inquiétante. Il est habité par son rôle, et même si parfois son visage apparaît un peu figé, il lui donne une réelle épaisseur. Si l’on ajoute à cela une technique éblouissante : développés, pirouettes, grands jetés, tout est impeccablement exécuté. Et on peut dire qu’on lui doit, dans son solo final, le meilleur moment de la soirée.

Carmen : Dennis Cala Valdés et Natalia de Froberville – Photo David Herrero –

Carmen. Ce ballet créé en 1949 à Londres sera dansé par Roland Petit lui-même et son égérie Zizi Jeanmaire. La musique de Bizet, les décors et les costumes d’Antoni Clavé et la chorégraphie de Roland Petit firent un triomphe qui ne s’est jamais démenti depuis. Conçu en cinq tableaux il condense en 45 minutes le destin tragique de la belle cigarière. Si le rôle-titre est évidemment primordial, la présence du corps de ballet est également l’une des composantes majeures de l’œuvre. Et le Ballet du Capitole y excelle. On peut le constater dans l’ébouriffante scène de la taverne. Les danseuses ont l’insolence, le sens de la provocation que Mérimée dépeint si bien. C’est le cas pour Julie Loria (La Cigarière) et pour Tiphaine Prévost (La Femme-Bandit) dont on découvre chaque fois un peu plus l’impeccable technique et le don d’interprétation. A ses côté, Philippe Solano est une boule d’énergie, mêlant avec bonheur humour et technique. Quant à Jéremy Lédier il est le parfait toréador imbu de sa personne que demande l’œuvre. Reste Don José et Carmen. Dennis Cala Valdés ne correspond pas vraiment au Don José que l’on pourrait imaginer. Il nous a semblé trop détaché, trop partenaire attentif, trop appliqué dans sa danse pourtant impeccable et trop « macho » à la fois. Mais on sait que ce dernier trait correspond bien à l’intention de Roland Petit. Quant à Natalia de Froberville, il va sans dire que sa danse est irréprochable, parfaitement exécutée. Mais elle n’est pas exactement Carmen. Son interprétation nous semble trop « classique », trop élégante. Il lui manque la sensualité provocante, la gouaille, la volonté de séduire par-dessus tout, d’une Zizi Jeanmaire qui a marqué le rôle.

Il n’en reste pas moins que ces entrées au répertoire du Ballet du Capitole de ces œuvres qui illustrent la chorégraphie française ne peuvent que réjouir les balletomanes et le public en général.

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