Danse

Hommage chorégraphique à Chopin

Brigitte Lefèvre, directrice de la danse à l’Opéra de Paris, ne pouvait laisser passer cette année du bicentenaire de la naissance de Chopin sans adresser à ce dernier l’hommage qu’il mérite. C’est chose faite avec la reprise de La Dame aux camélias signée John Neumeier.
Entrée au répertoire de notre première scène nationale en 2006, cette chorégraphie est créée en 1978 par le Ballet de Stuttgart. Après avoir abandonné l’idée d’emprunter à Verdi et sa Traviata la musique de son ballet, l’Américain John Neumeier se tourne vers Chopin pour illustrer musicalement La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas Fils, chef d’œuvre de la littérature romantique. Certes, le catalogue du compositeur cher au cœur de George Sand accumule valses, mazurkas et autres polonaises, mais, pour autant, sa musique est-elle une musique à danser ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs, pour l’anecdote et sans avoir valeur de démonstration formelle, les meilleures relations féminines de Chopin furent plutôt des cantatrices que des ballerines…

Agnès Letestu (Marguerite) et Stéphane Bullion (Armand)

(Photo Sébastien Mathé)

Il fallait donc un chorégraphe particulièrement sensible, porteur d’émotions, totalement pénétré de ces compositions pour imaginer un ballet en parallèle à ces dernières. En sélectionnant une quinzaine d’opus de Chopin, dont l’intégrale du 2nd concerto, John Neumeier les a littéralement sortis du ghetto des concerts dans lequel ils trouvent leur seul lieu d’expression naturel, atomisant de facto leur image de « facilité précieuse » dans laquelle ils sont confinés. Saluons au passage le chef d’orchestre Michaël Schmidtorff, l’Orchestre de l’Opéra de Paris et les pianistes Emmanuel Strosser et Frédéric Vaysse-Knitter pour leur large contribution au succès de cette soirée.

S’appuyant sur un fait aussi réel que troublant, à savoir la découverte dans les biens de Marie Duplessis, alias Marguerite Gautier à la scène, d’un exemplaire largement annoté par elle-même de la Manon Lescaut

de l’Abbé Prévost, le chorégraphe imagine une représentation de cette pièce dans le cadre du Théâtre des Variétés servant de décor au 1er acte. Manon et des Grieux devenant les reflets anticipés et vivants du destin des héros d’Alexandre Dumas Fils. Requérant des danseurs de très grand talent, John Neumeier leur demande en plus d’être des interprètes de théâtre, capables, au sein d’un schéma chorégraphique pseudo académique, de livrer une authentique lecture dramatique de la passion la plus pure comme la plus vibrante.

Isabelle Ciaravola (Manon) et Christophe Duquenne (des Grieux)

(Photo Sébastien Mathé)

Dans les magnifiques décors et costumes de Jürgen Rose et les lumières évocatrices de Rolf Warter nous est alors donnée à voir une géniale fusion des corps et de la musique. Certainement l’une des œuvres les plus complexes mais aussi des plus achevées de ce chorégraphe.

Outre le Corps de Ballet, toujours aussi superlatif, quelques « pointures » donnent vie à ce drame. Il en est ainsi d’Agnès Letestu (Etoile), Marguerite frémissante d’amour et de douleur, véritable wili perdue dans le tourbillon de l’hypocrisie humaine. A ses côtés, Stéphane Bullion (Premier danseur) est un Armand fascinant d’expression, d’émotion contenue, rendant visible des fractures intimes totalement sismiques. Doté d’une exceptionnelle musicalité, Stéphane Bullion maîtrise les redoutables portés exigés par John
Neumeier avec puissance, élégance et autorité.

Isabelle Ciaravola (Etoile) et Christophe Duquenne (Premier danseur) sont les interprètes omniprésents et accomplis de Manon et des Grieux, véritables et redoutés miroirs d’une course à l’abîme. A souligner enfin les interventions de Josua Hoffalt (Premier danseur) dans le rôle épisodique de Gaston Rieux, emploi lui permettant tout de même de démontrer une maîtrise technique et une puissance de feu ainsi qu’une véritable personnalité complètement impressionnantes.

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