Danse

« 3 x 3 : entre rires et larmes »

Pour ce dernier programme de la saison du Ballet du Capitole, le public des balletomanes de Midi Pyrénées, venu en nombre, est passé par des moments bien particuliers : admiration, rires, sourires, et surtout beaucoup d’émotion(s).
C’est « Rubis » de Balanchine qui ouvrit le bal, un bal rutilant, brillant des mille feux de cette pierre précieuse. Remonté par Nanette Glushak, l’une des meilleures directrices de ballet actuelles qui sachent perpétuer avec une telle fidélité l’héritage du chorégraphe, ce ballet fut certainement l’une des plus parfaites chorégraphies balanchiniennes que nous ayons vues à Toulouse. A croire que Mister B était présent lors de toutes les répétitions, et devait se cacher dans les cintres lors des représentations. Et où qu’il soit, son bonheur a du être complet tant les danseurs étaient proches de la perfection chorégraphique exigée par le maître.

“Rubis” Maria Gutierrez et Breno Bittencourt (Photo David Herrero)

Le corps de ballet a démontré encore une fois sa connaissance, sa science de cette école russo-américaine. Paola Pagano y fut, comme à son habitude, impériale : des pointes d’acier, des équilibres défiant toutes les lois de la pesanteur, de la musicalité et une vraie joie de danser, telle fut la danseuse sur scène. Lui succédait pour la première distribution, le couple qui restera l’emblème de la Compagnie, et ce pendant longtemps, María Gutierrez et Breno Bittencourt qui une fois de plus nous démontrèrent que le duo de danseurs idéal existe et que nous l’avions rencontré. Ces deux là respirent la complicité, l’attention à l’autre, la confiance totale dans l’autre. Ajoutez à cela une technique sans faille, du lyrisme, de l’humour, de l’assurance et que dire d’autre ?

La deuxième distribution donnait Kazbek Akhmedyarov pour partenaire à María. Ce fut également une superbe interprétation sur le plan technique, même s’il y manquait le charisme que dégage le couple María-Breno.

“Rubis” Maria Gutierrez et Kasbek Akhmedyarov (Photo : David Herrero)

« Bits and Pieces » de Hans Van Manen faisait son entrée au répertoire de la troupe, Cette réflexion ironique sur le métier de chorégraphe face à ses danseurs fut un véritable délice d’humour et de fantaisie. L’ensemble du corps de ballet démontra ses immenses possibilités qu’elles soient techniques ou théâtrales. Des automates menés à la baguette, plus exactement, à la télécommande par un maître de ballet désinvolte et assez peu humain finalement, qui le piègent à leur tour, avant que dans une pirouette et avec la complicité du public celui-ci ne close l’affrontement. Michel Rahn dans ce rôle, fut irrésistible. La chorégraphie qui a pu nous paraître curieuse au départ se révèle en fait pleine de créativité, avec quelquefois des ensembles qui n’ont pas été sans nous rappeler certains mouvements à la Antonio Gadés. Ballet un peu décalé, déroutant parfois, il a mis en valeur les individualités de la Compagnie. Retenons en particulier le pas de deux de Paola Pagano et Saul Marziali (qui mériterait d’être plus distribué) couple parfaitement en harmonie qui sur une chorégraphie bien en place sut jouer de l’humour tout en restant imperturbablement danseur.

“Nine Sinatra Songs”

Gaëlle Riou et Jérôme Buttazzoni

(Photo David Herrero)

Pour la première fois un ballet de Twyla Tharp, « Nine Sinatra Songs » clôturait le programme et la saison. Plus proche du music-hall que du grand ballet classique cette œuvre nous présentait des « danses de salon », assaisonnées d’un zeste d’humour et de nombre de pas acrobatiques, qui mirent particulièrement en valeur les 7 couples qui les exécutaient. Superbement habillés par le couturier américain Oscar de la Renta, les danseurs virevoltèrent sur scène sur la voix chaude du crooner US : Lucille Robert au bras d’un Kasbek Akhmedyarov suprêmement élégant ; María Lucía Segalin délicieuse fée bleue et Dmitry Leshchinskiy ; la vénéneuse Frédérique Vivan vampant un Henrik Victorin un peu « débraillé» ; Pascale Saurel mutine auprès d’un Minh Pham dépassé (avec quel talent!) par les événements ; Paola Pagano et Saul Marziali,

splendides ; les très latins Gaëlle Riou et Jérôme Buttazzoni ; et enfin María Gutierrez et Breno Bittencourt dans le prémonitoire « That’s Life », le dernier de leur pas de deux sur la scène toulousaine qu’ils exécutèrent de façon magistrale, avant que toute la troupe ne reprenne « My way » pour un final haut en couleur.

Un dernier programme à l’image de la saison : superbe, mais aussi plein de regrets. Regrets parce que manquaient à l’appel Magaly Guerry et Juliana Bastos qui s’étaient blessées lors des répétitions. Et puis, dimanche, les larmes à peine retenues de Breno Bittencourt qui dansait pour la dernière fois dans la Compagnie et celle de sa partenaire María Gutierrez qui perd un parfait partenaire, souleva l’émotion de tout le public, qui remercia ce danseur, qui nous a fait vivre de si beaux moments, par une longue très très longue ovation.

« THAT’S LIFE » BRENO !
Né au Brésil, c’est dans son pays natal que Breno Bittencourt commence à danser, avant de parfaire sa formation à l’Ecole du Ballet de l’Opéra de Vienne. En 1998 il obtient son premier engagement au Jeune Ballet de France, puis en 1999 entre au Ballet de Wiesbaden.

Breno Bittencourt

(Photo David Herrero)

C’est en 2001 qu’il entre au Ballet du Capitole dont il va devenir le premier soliste le plus charismatique que cette vénérable maison ait connu depuis bien des décennies. Rompu aux techniques classiques il interprète tous les grands rôle du répertoire classique avec une maestria, une musicalité, une présence incroyables. Mais là ne s’arrête pas son talent. Excellent danseur balanchinien, il sait aussi se plier aux (souvent très dures) exigences des plus contemporains des chorégraphes. Le couple qu’il forme à la scène avec María Gutierrez est devenu mythique pour le public toulousain. Leur complicité évidente, leur parfaite harmonie, leur technique, la complémentarité dont ils font preuve resteront parmi les meilleurs souvenirs des balletomanes assidus du Capitole.

Qui dorénavant pourra nous combler au bras de María ? Celle-ci résistera-t-elle à l’absence de son double ? L’avenir nous le dira. En ce qui nous concerne, nous regretterons longtemps sa présence.

Vamos a ficar muito tristes, Breno, sem você. A sua lembrança ficará para sempre em nossos coraçoes. Obrigados por tudo o que você nos brindou. Até sempre Breno.

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