Concerts

Tendresse, vitalité et fraîcheur

Un très bel orchestre, une pianiste de légende et la révélation d’un jeune chef plein de talents et d’imagination, voici ce qui attendait les habitués des concerts des Grands Interprètes ce 2 novembre dernier. Le Scottish Chamber Orchestra, dirigé par le Londonien Robin Ticciati et accompagné de la pianiste portugaise Maria João Pires, témoigne de la vitalité d’une formation actuellement en tournée européenne.

La présence de Maria João Pires avait attiré, ce 2 novembre, une part importante du public mélomane, consciente de l’exceptionnelle musicalité de cette interprète, petite par la taille, mais si grande par le talent. On devine alors la déception de l’assistance lorsqu’une annonce prévient de l’indisposition de la pianiste. Néanmoins, le frisson qui parcourt un instant toute la Halle aux Grains se transforme en soupir de soulagement lorsqu’on apprend que l’interprète du concerto n° 17 de Mozart jouera malgré tout, afin de ne point décevoir ce public. L’ovation qui salue son entrée en scène en dit long sur la fascination qu’elle exerce à juste titre sur tous.

La grande pianiste portugaise,
Maria João Pires, soliste du concerto n° 17 de Mozart.

Robin Ticciati dirige le Scottish
Chamber Orchestra – Photo Classictoulouse –

Ainsi s’ouvre une interprétation qui, placée sous le signe de l’incertitude, devient immédiatement magique. Rares sont les mozartiennes et les mozartiens capables d’une telle grâce immanente ! Le toucher unique de la pianiste agit dès les premières notes en réponse à l’introduction orchestrale. Chaleureux et poétique, il auréole chaque intervention d’une ferme douceur, nuance magnifiquement sans jamais surcharger la phrase. Ici c’est un subtil decrescendo, là un changement de coloration sur un seul trille. Le piano-poète parle. A l’extraordinaire cadence qui conclut l’Allegro initial succède un Andante poignant. Le voici donc ce fameux « sourire à travers les larmes » qui caractérise les plus intenses moments d’émotion mozartienne. Le mouvement final porte à son apogée la finesse des échanges entre le piano solo et les instruments à vent de l’orchestre. La discussion s’organise grâce au concours chaleureux des musiciens et du chef, lequel réalise là un parfait équilibre sonore. On observe que le choix, ô combien judicieux, a été fait de confier la partie de cors aux instruments naturels, sans piston, dont les musiciens jouent avec virtuosité.

L’orchestre, il est vrai, en formation de chambre élargie, se distingue par un son d’une grande clarté, d’une transparence flatteuse que Robin Ticciati favorise par une direction précise et élégante. Dans le Siegfried Idyll, de Wagner, qui ouvre le concert, l’aspect sérénade est privilégié. C’est bien de cela qu’il s’agit dans cette pièce étrange, dédiée en 1869 par le compositeur à sa nouvelle épouse Cosima et à son fils Siegfried. Le chef en brosse un tableau d’une grande tendresse.

Robin Ticciati et le Scottish Chamber Orchestra à l’issue du concert

– Photo Classictoulouse –

Avec la Symphonie n° 6, dite « Pastorale » de Beethoven, nous nous retrouvons dans le monde des « musts » symphoniques que chacun fredonne pour soi sans difficulté. Il faut tout le talent et l’imagination d’un jeune chef comme Robin Ticciati pour succéder avec panache aux traditionnelles interprétations des grandes figures du passé, et en même temps s’en affranchir. Pour cela, Robin Ticciati retourne aux sources. Il choisit une formation orchestrale à la Haydn, retrouve le charme des cuivres de l’époque : cors naturels, trompettes naturelles et sacqueboutes légères en lieu et place des trombones. L’œuvre y gagne une vivacité, une fraîcheur, un relief étonnants. D’autant plus que les nuances les plus subtiles soulignent le raffinement de l’écriture. Les premières mesures de l’Allegro initial sonnent à cet égard de manière surprenante. Une foule de micro-événements animent la phrase et l’orchestration. La poésie de l’Andante, autrement dit la Scène au bord du ruisseau, respire avec douceur. L’enchaînement des trois derniers mouvements, de la Joyeuse assemblée de paysans au Chant pastoral, en passant par L’Orage, s’effectue avec un naturel, une vitalité qui maintiennent l’attention à son maximum. Les timbales « baroques » jouent avec brio leur rôle percutant d’imitation du tonnerre. Enfin c’est avec une ardeur rare que s’exhale le chant final de reconnaissance. Un grand bravo aux musiciens et à leur chef qui renouvellent ainsi un propos dont on croyait tout connaître.

Robin Ticciati : un nom à retenir…

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