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Stravinski, Dukas, Debussy dans l’univers du fantastique

L'Orchestre national du Capitole sous la direction de Pascal Rophé - Photo Classictoulouse -

Le 26 avril dernier, l’Orchestre national du Capitole retrouvait à sa tête le chef français Pascal Rophé. Le clarinettiste suédois Martin Fröst devait être le soliste de cette soirée. En raison de problèmes de santé, ce grand musicien a été contraint d’annuler sa venue. Un nouveau programme et la participation de Floriane Tardy, clarinettiste de l’Orchestre, ont permis la tenue d’un grand et beau concert largement acclamé par le très nombreux public qui a envahi la Halle aux Grains.

Comme l’indique en début de soirée Jean-Baptiste Fra, le délégué général de l’Orchestre, l’annulation de Martin Fröst pour raison de santé a rapidement été surmontée. La création française de Passages, le concerto pour clarinette de Michael Jarrell, objet d’une co-commande de l’Orchestre de la Suisse Romande, de l’Orchestre Symphonique de Tokyo, de l’Orchestre Symphonique de l’État de São Paulo et de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse est reportée. La Suite d’orchestre L’Oiseau de feu, (version 1919) d’Igor Stravinski est rajoutée au programme et la Première Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Claude Debussy est maintenue, jouée en soliste par Floriane Tardy. On ne peut que saluer la belle réactivité de l’administration et surtout celle des musiciens de l’orchestre et de sa clarinettiste émérite !

La belle mosaïque des partitions qui composent ce nouveau programme donne la part belle à la musique d’Igor Stravinski. Son Scherzo fantastique ouvre la soirée. Cette deuxième œuvre orchestrale du compositeur, écrite en 1908, est inspirée par La Vie des abeilles de Maurice Maeterlinck. La richesse de son orchestration semble héritée de Nicolaï Rimski-Korsakov (on peut penser à sa pièce Le Bourdon…). La direction virevoltante de Pascal Rophé en brosse une image pétillante et colorée.

Pascal Rophé à la tête de l’Orchestre national du Capitole – Photo Classictoulouse –

La Suite d’orchestre de L’Oiseau de feu, dans sa version de 1919, est donc ajoutée au programme initial. Les cinq épisodes qui la composent sont extraits du ballet original, sur la commande de Serge de Diaghilev. Les enchaînements contrastés, le déploiement des teintes vives et subtiles bénéficient de la direction précise du chef mais également de la virtuosité des musiciens. Ainsi, à la douceur de Rondes des Princesses succède l’explosion « satanique » de la Danse infernale du roi Kachtcheï. Nouveau contraste, La Berceuse est suivie de l’apothéose fulgurante du Final.

Beaucoup plus rare au concert, le poème symphonique en trois parties Le Chant du Rossignol, est une adaptation en 1917 pour les Ballets russes de Serge de Diaghilev de son opéra Le Rossignol, créé en 1914. L’Orchestre en offre une image pointilliste et pleine de couleurs. Cette musique flamboyante met en évidence une multitude de chants d’oiseaux, prétextes à de virtuoses solos instrumentaux. Un grand bravo notamment à la flûte de Mélisande Daudet, à la trompette d’Hugo Blacher, à la contrebasse de Damien-Loup Vergne et, bien sûr, à la violoniste supersoliste de la soirée Doriane Gable.

Floriane Tardy, soliste de la Première Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Debussy – Photo Classictoulouse –

Entre ces pièces imagées de Stravinski, se love la magnifique Première Rhapsodie pour clarinette et orchestre de Claude Debussy. C’est donc Floriane Tardy qui en assume avec art la partie soliste. Grâce à une gamme infinie de nuances et une sonorité de velours, elle en révèle la finesse, les subtilités, la poésie. On y détecte même quelques notes d’humour à la Francis Poulenc. L’orchestre entoure la soliste avec chaleur et finesse. Chaleureusement applaudie par le public et ses collègues, Floriane Tardy a ainsi relevé un véritable défi.

La conclusion de la soirée renoue avec le monde de l’enfance. Qui ne se souvient des imprudences de Mickey dans le film Fantasia ? Reconnaissons que la célébrité de Paul Dukas doit quelque chose à Walt Disney… mais avant tout à Goethe dont la nouvelle éponyme a inspiré Dukas. Reconnaissons enfin la qualité indéniable de l’écriture musicale du compositeur. Pascal Rophé anime l’intrigue en maniant les contrastes avec finesse. Le mystère inquiétant précède le déchaînement des forces occultes. L’humour s’insinue même jusqu’à l’accord final, sorte de coup de balai sur le postérieur de l’imprudent ! Comme il se doit, toutes les félicitations vont vers le pupitre des bassons, largement sollicité par la partition.

Le public rappelle le chef à de nombreuses reprises, exprimant ainsi la joie qui est la sienne.

Serge Chauzy

Programme du concert donné le 26 avril 2024 à 20 h à la Halle aux Grains de Toulouse :

Igor Stravinski : Scherzo fantastique op.3

Claude Debussy : Première Rhapsodie pour clarinette et orchestre en si bémol majeur

Igor Stravinski : L’Oiseau de feu, suite d’orchestre (version 1919)

Igor Stravinski : Le Chant du Rossignol, poème symphonique

Paul Dukas : L’Apprenti sorcier, scherzo symphonique

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