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« Résurrection », du cataclysme à l’apothéose

L'Orchestre et le Chœur dirigés par Tarmo Peltokoski - Photo Classictoulouse -

Le 28 septembre dernier, la Halle aux Grains accueillait le concert d’ouverture de la saison 2024-2025 de l’Orchestre national du Capitole. Cette soirée importante pour la vie musicale toulousaine marquait l’inauguration du mandat de directeur musical de Tarmo Peltokoski. Un public nombreux a accueilli avec enthousiasme le programme ambitieux qui lui était proposé.

L’importance de ce premier concert a motivé une courte allocution de Jean-Luc Moudenc. Le Maire de Toulouse et Président de Toulouse métropole a rappelé les circonstances de la venue à Toulouse de ce jeune chef, à la suite du « coup de foudre » qui s’est produit entre lui et les musiciens de l’orchestre lors du festival Maurice Ravel de Saint-Jean-de-Luz 2022. Depuis le 1er septembre 2024, Tarmo Peltokoski occupe les fonctions de Directeur musical « désigné ». Lors de cette première saison, il assurera une présence évaluée à six semaines. A partir de la saison 2025-2026, il occupera à part entière la charge de Directeur musical. En outre, Jean-Luc Moudenc a indiqué que ce concert est dédié à la mémoire de Lyudmila Zolotarova, violoniste ukrainienne fuyant la guerre qui a travaillé dans les rangs de l’orchestre au cours des deux dernières années et que la maladie a emportée le 4 septembre dernier à Kiev.

Le programme musical ambitieux de ce premier concert réunit Richard Wagner et Gustav Mahler qui participent ainsi à cette célébration. Le Prélude de l’opéra Tristan et Isolde de Wagner est suivi de la vaste Symphonie n° 2, dite « Résurrection » de Mahler, un voisinage de deux styles musicaux proches. Plutôt que d’enchaîner traditionnellement les deux œuvres, le chef choisit de les rattacher l’une à l’autre, comme s’il s’agissait d’une seule et même partition. La filiation s’avère parfaitement convaincante, sans le moindre hiatus entre les deux !

La lecture du Prélude que proposent Tarmo Peltokoski et son orchestre donne le frisson. La musique émerge du silence comme par magie et le lent crescendo vers l’extase progresse avec un soin particulier des équilibres entre les cordes et les vents. L’émotion naît de cette perfection formelle et du développement expressif sans pathos de la ligne mélodique. Les accords pianissimo qui concluent l’œuvre ménagent cet enchaînement subtil avec les premières mesures incantatoires de la Symphonie « Résurrection ».

Tarmo Peltokoski – Photo Classictoulouse –

Un monde nouveau s’ouvre alors, comme un abîme creusé par les cordes graves de l’Allegro maestoso initial, intitulé Totenfeier (Cérémonie funèbre). L’exécution de cette partition bénéficie d’un orchestre particulièrement nombreux mais également d’un ensemble de cuivres et de percussions qui joue depuis les coulisses. Tarmo Peltokoski construit ce vaste premier volet sur les contrastes apocalyptiques qui le traversent, entre les épisodes éclatants, tourmentés et violents et d’autres de renoncements profonds et douloureux comme développant un style de musique de chambre pour grand orchestre. Le mouvement se termine dans le silence de la mort.

Les volets qui suivent s’avèrent si différents de cette vaste introduction que Mahler demande dans la partition qu’une pause d’au moins cinq minutes soit instaurée entre les deux épisodes. Cette indication, rarement respectée, est ici adoptée par le chef qui semble se recueillir pendant cet intervalle. En outre, l’entrée du chœur sur le podium se fait à l’occasion de ce silence. Il est composé du Chœur de l’Opéra national du Capitole, Chef de chœur Gabriel Bourgoin, auquel se joint le Chœur de Radio France, Directeur musical Lionel Sow.

Le mouvement suivant, noté « Sehr gemächlich. Nie eilen » (Très modéré. Ne jamais se presser) s’ouvre sur un Ländler détendu et heureux, presque schubertien, qui revient après un passage plus sombre. Le troisième volet, noté « In ruhig fließender Bewegung » (En un mouvement tranquille et coulant) prolonge cette détente. Il reprend à l’orchestre l’un des lieder de Mahler extrait du cycle Des Knaben Wunderhorn (Le Cor merveilleux de l’Enfant). Il s’agit du lied Des Antonius von Padua Fischpredigt, qui raconte de manière grinçante le Prêche aux poissons de saint Antoine de Padoue.

Les deux solistes, la soprano Silja Aalto et la contralto Wiebke Lehmkuhl – Photo Classictoulouse –

La voix humaine apparaît au quatrième mouvement, Urlicht (Lumière originelle), noté « Sehr feierlich aber schlicht. Choralmäßig » (Très solennel, mais sobre. Comme un choral). Ce chant, qui reprend le lied éponyme extrait de Des Knaben Wunderhorn, est confié à une voix de contralto. Il est ici magnifiquement déclamé par la cantatrice allemande Wiebke Lehmkuhl. Timbre d’une rondeur sombre et pourtant lumineuse ; pouvoir expressif intense.

Le cinquième et dernier mouvement, noté « In Tempo des Scherzos » (Dans le tempo du scherzo), est celui de la « Résurrection » célébrée par l’intervention du chœur. Une explosion fortissimo, soutenue par les cymbales, ouvre l’intervention d’une courte fanfare que le chef déclenche avec force. Le chœur, a cappella et triple pianissimo, bientôt rejoint par la soprano, entonne enfin l’hymne de la Résurrection, avant que la contralto ne chante à son tour le texte composé de huit vers de l’ode Aufersteh’n de Friedrich Gottlieb Klopstock, le reste étant de la main de Mahler lui-même. Cette entrée murmurée, émergeant du silence, génère une intense émotion. A la voix de la contralto et à celles du chœur vient se joindre celle, lumineuse, de la soprano, la finlandaise Silja Aalto. Dès lors, la ferveur la plus extrême envahit tout l’espace sonore jusqu’à l’annonce finale de la Résurrection dans un glorieux triple fortissimo, auquel se joignent l’orgue et les cloches. Une apothéose irrésistible !

La vision très intense et très personnelle que développe le chef, fidèlement suivi par ses musiciens, enthousiasme à juste titre l’ensemble du public. A l’évidence l’événement marquera fortement toute la saison musicale qui s’ouvre ainsi sous les meilleurs auspices !

Serge Chauzy

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