Concerts

Les amours impossibles de Piotr Ilitch Tchaïkovski et Nadejda von Meck

Le pianiste Denis Pascal et la comédienne Marie-Christine Barrault - Photo Classictoulouse -

La 6ème édition de Musique en dialogue aux Carmélites se poursuit devant un public nombreux et séduit. Consacrée cette année aux grands mécènes de l’histoire de la musique, ces rencontres dans l’intimité de la belle Chapelle associent les sons et les mots au cours de concerts-lecture imaginés spécialement pour cette série originale. Ce dimanche 24 juillet marquait le retour à Toulouse de deux grands artistes, la comédienne Marie-Christine Barrault et le pianiste Denis Pascal.

On ne présente plus Marie-Christine Barrault dont le talent de « diseuse » sait s’adapter à tous les textes qu’elle aborde. Avec naturel et finesse, elle consacre cette fois la lumière de sa diction et de sa participation à la correspondance échangée entre Piotr Ilitch Tchaïkovski et la baronne Nadejda von Meck, sa bienfaitrice et mécène pendant de longues années. Les lettres ainsi dévoilées sont extraites d’un ouvrage touchant de Catherine Drinker et Barbara von Meck consacré aux échanges épistolaires entre deux personnages exceptionnels. Qu’elles soient signées du compositeur ou de son amie et mécène, ces lettres témoignent de cet étrange et dissymétrique relation, de l’amour profond éprouvé par la riche veuve et le respect mêlé d’un certain intérêt financier du musicien, culpabilisé par son homosexualité. Rappelons que ces deux personnalités complexes et fortement liés par ces sentiments ambigus ne se sont jamais rencontrés ! Seule leur correspondance témoigne de leur étrange relation.

Marie-Christine Barrault – Photo Classictoulouse –

Tout en se succédant dans un ordre chronologique, ces lettres alternent avec la musique pour piano du compositeur jouée avec une touchante profondeur expressive par Denis Pascal, grand musicien aussi investi comme soliste qu’en musique de chambre. Les partitions consacrées par Tchaïkovski au piano solo n’étant pas très nombreuses, Denis Pascal s’est approprié très judicieusement l’ensemble du recueil intitulé Les Saisons. Composées de décembre 1875 à novembre 1876 ces douze pièces, destinées à être publiées dans une revue mensuelle, illustrent chaque mois de l’année et non chaque saison comme chez un célèbre prédécesseur baroque… En outre, chaque pièce est accompagnée d’un titre programmatique que l’interprète traduit avec une extrême musicalité. En particulier, la plus fameuse de ces partitions, Juin barcarolle, distille sa poésie de la manière la plus convaincante sous les doigts de l’interprète. Les contrastes expressifs entre les pièces sont soulignés sans jamais rompre l’unité du cycle.

Denis Pascal – Photo Classictoulouse –

Afin de réaliser une belle osmose entre les paroles et la musique, les pièces ne sont pas jouées dans l’ordre. Elles suivent avec sensibilité la progression des contenus épistolaires tout en les reliant, en les coordonnant. La continuité qui s’établit ainsi entre les mots et les notes s’avère remarquablement efficace.

De l’élan affectif des premiers échanges à l’étrange rupture finale, la progression s’écoute comme un roman sensible et douloureux. La dernière lettre est illustrée musicalement par la Valse sentimentale n° 6 extraite des Six morceaux pour piano op. 51, composés en 1882. Ponctuée par les mots « N’oubliez pas », extraits de cette correspondance, cette pièce, largement acclamée par le public fasciné doit d’ailleurs être rejouée pour le bonheur de tous.

La dernière des créations proposées par Catherine Kauffmann-Saint-Martin se déroulera le 28 août dans cette même Chapelle des Carmélites. Elle concernera la mécène américaine Winnaretta Singer, princesse de Polignac et réunira la soprano Françoise Masset, la pianiste Anne Le Bozec et la récitante Zazie Delem. Précipitez-vous, il se pourrait bien que ce soit la dernière des rencontres de Musique en Dialogue aux Carmélites…

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