Concerts

Le retour de l’enfant du pays

Le 27 avril dernier, le concert d’abonnement de l’Orchestre national du Capitole recevait un soliste particulier. Sa particularité tient tout d’abord à la nature de l’instrument qu’il pratique. Ce n’est pas si souvent que le trombone joue ce rôle de soliste. En outre, pour Fabrice Millischer, puisque c’est de lui qu’il s’agit, cette participation concertante sonne comme un retour aux sources. Après le grand pianiste toulousain, Bertrand Chamayou, il vient allonger la liste des musiciens de renom international issus de la ville rose.
Après l’obtention du Premier Prix du Concours international de l’ARD de Munich en 2007, ce prix étant attribué pour la première fois depuis la création du concours, Fabrice Millischer a été nommé « Révélation soliste instrumental » des Victoires de la Musique Classique en 2011. Actuellement trombone solo à la Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern, il mène en outre une belle carrière de soliste. Revenu dans la région qui l’a vu naître, il participe à une mini-tournée régionale. Blagnac, Tarbes et Montauban accueillent le programme musical de ce beau concert du 27 avril que dirige le chef espagnol Jaime Martín, déjà présent à la tête de la phalange toulousaine au cours de l’été 2011.

Le jeune tromboniste toulousain Fabrice Millischer, soliste du concerto pour trombone et orchestre d’Henri Tomasi avec l’Ochestre national du Capitole, dirigé par Jaime Martín

– Photo Classictoulouse –

C’est dans le brillant concerto pour trombone et orchestre d’Henri Tomasi que le jeune musicien toulousain déploie sa maîtrise et sa musicalité. Longtemps ignoré des cercles musicaux du fait du style néo-classique de ses compositions, en porte à faux par rapport à l’avant-garde de son époque, Tomasi est l’auteur de plusieurs concertos pour instruments à vent comme le basson, la clarinette, le cor ou la trompette. Il sait ainsi mettre en valeur les spécificités de chacun d’eux. Dans ce triptyque pour trombone, il exploite avec brio les qualités de lyrisme, de sonorité, de dynamique d’un instrument à la très riche histoire. Les premières interventions du soliste dans l’Andante et scherzo initial impressionnent par l’ampleur d’un timbre d’une imposante somptuosité. Sonorité de bronze, profonde dynamique, technique irréprochable caractérisent un jeu d’une étonnante diversité. La vélocité des traits dont est capable le soliste semble ici héritée de la pratique de la sacqueboute, l’ancêtre renaissance du trombone moderne, dont Fabrice Millischer est un familier. Les subtilités de timbre, la finesse d’un phrasé subtil font du Nocturne une pièce d’une tendre poésie, alors que les déploiements virtuoses du Tambourin, tout imprégnés d’éléments jazzistiques, aboutissent à un final d’une joie débridée qui n’est pas sans rappeler certains finals ravéliens. Magnifiquement accompagné par un Orchestre national du Capitole en verve, plein d’une effervescence parfaitement maîtrisée par Jaime Martín, Fabrice Millischer reçoit une véritable ovation de la part du public. La version pour trombone et orchestre à cordes de la tendre et poétique Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel vient alors prolonger le plaisir musical.

Le chef d’orchestre espagnol Jaime Martín, à l’issue du concert de

l’Orchestre national du Capitole – Photo Classictoulouse –

En ouverture et en conclusion de concert, Jaime Martín dirige en outre deux partitions très différentes qui mettent en valeur les qualités complémentaires dont la phalange toulousaine est dépositaire. Les Danses de Galanta, du Hongrois Zoltan Kodály, débutent la soirée. Cet hommage aux traditions musicales magyares exalte toutes les couleurs, toute l’énergie que le chef mobilise avec talent. La contribution de chaque soliste rehausse encore la qualité de l’exécution. Eclatante proclamation du cor, subtiles interventions du hautbois et de la flûte, et surtout peut-être éblouissant discours de la clarinette (David Minetti égal à lui-même !) qui marie nostalgie profonde et énergie chorégraphique. La sève d’un terroir riche de profondes traditions musicales ne pouvait recevoir meilleur hommage.

Avec sa 4ème et dernière symphonie en la majeur « Italienne », Felix Mendelssohn célèbre le soleil et la gaieté de la belle péninsule. Jaime Martín y suscite une sonorité encore différente de l’orchestre. Transparence, finesse et vitalité irriguent cette belle exécution. L’utilisation de trompettes à palettes, de timbales en peau, un vibrato réduit des cordes, un soin particulier accordé au phrasé, contribuent efficacement à cette vision colorée et subtile. Le chef gère avec art la succession des tensions et des détentes. Après le très mousseux Allegro initial, l’Andante résonne comme une anticipation de ce que sera la belle marche des pèlerins du berliozien Harold en Italie. Le troisième mouvement s’ouvre sur un sourire et le Presto laisse éclater une joie exubérante sans limite. La réussite est totale.

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