Le vendredi 26 septembre dernier, la salle capitulaire du cloître des Jacobins recevait le pianiste français Jean-Baptiste Fonlupt, l’un des « habitués » des activités musicales du festival. Un programme soigneusement élaboré, admirablement défendu, met en évidence les qualités techniques certes, mais essentiellement musicales du jeu d’un interprète investi dans les œuvres abordées.
Jean-Baptiste Fonlupt a étudié au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans la classe de Bruno Rigutto et à la Hochschule Hanns Eisler de Berlin dans la classe de Michael Endres. Il a également reçu l’enseignement de Yonty Solomon au Royal College of Music de Londres et d’Elisso Virssaladze au Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou.
Ce soir-là, le pianiste propose un triptyque musical associant Bach/Busoni, Rachmaninov et Brahms dans une progression expressive finement soutenue.
En guise d’ouverture de son récital, Jean-Baptiste Fonlupt offre l’arrangement le plus connu de la célèbre Chaconne de Johann Sebastian Bach, le morceau qui clôt sa Partita en ré mineur pour violon solo. L’adaptation de Ferruccio Busoni constitue probablement la plus accomplie. Sans trop s’éloigner de l’original de Bach, Busoni adapte la virtuosité originale du violon aux possibilités de l’instrument à clavier. L’interprète en exalte tout d’abord la solennité virtuose, sans essayer d’imiter le violon. Son jeu ample et puissant évoque irrésistiblement l’autre instrument de prédilection de Bach, l’orgue. La variété des couleurs, la richesse du rythme confère à l’œuvre une vitalité irrésistible.
Les 10 Préludes de l’opus 23 de Sergueï Rachmaninov qui suivent cette Chaconne constituent l’une des trois séries de Préludes conçues par le compositeur russe. Grâce au jeu du pianiste, la transition entre ces deux partitions, que séparent pourtant près de trois siècles, sonne avec un certain naturel. La diversité des caractères de ces dix courtes pièces est parfaitement respectée par l’interprète. Leur succession évoque une sorte de voyage aux éclairages complémentaires. Ainsi entre la méditation suggérée par le n° 1 en fa dièse mineur, Largo, et l’apaisement final du n° 10 en sol bémol majeur, Largo également, proche d’un nocturne, les expressions les plus opposée alternent. Une sorte de virtuosité héroïque déjà présente dans le n° 2 en si bémol majeur, Maestoso, culmine dans le plus célèbre de la série, le n° 5 en sol mineur, Alla marcia, composé en 1901. Cohérence et richesse caractérisent cette brillante interprétation abondamment applaudie par l’ensemble du public.

Toute la seconde partie du concert est consacrée à la Sonate n° 3 en fa mineur de Johannes Brahms. Cet opus 3 écrit en 1853 à Düsseldorf fait partie des œuvres de jeunesse du compositeur, le musicien ayant à peine 20 ans lors de sa composition. En novembre de la même année, elle fut présentée à Robert Schumann qui la qualifia de « symphonie déguisée ». Rappelons qu’il faudra à Brahms plus de vingt ans encore pour oser composer sa première symphonie ! C’est bien dans cette optique que Jean-Baptiste Fonlupt en aborde les cinq mouvements. Son toucher profond fait rayonner son clavier de riches couleurs, quasiment orchestrales.
Dès le premier mouvement, Allegro maestoso, une volonté juvénile irrésistible émane de son interprétation. L’Andante qui suit évoque un lied d’un lyrisme vocal, alors que l’orage darde ses coups dans le Scherzo, Allegro energico. L’incantation de l’Intermezzo (sous-titré : Rückblick / Regard en arrière) introduit l’apothéose finale, Allegro moderato ma rubato, dans laquelle le pianiste conclut avec panache sa passionnante interprétation L’ovation qui lui est réservée obtient encore un bis. Un retour à Rachmaninov prolonge l’atmosphère de la soirée avec son Prélude opus 32 n° 5, tout imprégné d’un romantisme impressionniste.
Gageons que nous reverrons Jean-Baptiste Fonlupt sous les voûtes du cloître des Jacobins…
Serge Chauzy
