Depuis des années, Grigory Sokolov a pris ses marques à Toulouse où il est l’invité cette année encore de la saison de Grands Interprètes. Ce sera le 21 novembre prochain, à la Halle aux Grains. Un récital de ce brillant premier Prix au Concours Tchaïkovski 1966 résonne toujours comme un événement hors du commun. Les programmes qu’il élabore avec soin, la plupart du temps au dernier moment, reflètent bien l’originalité de ce pianiste exceptionnel et inclassable.
Paradoxe vivant à l’ère de l’hypermédiatisation, Grigory Sokolov est longtemps resté un des secrets les mieux gardés des connaisseurs du piano. Ce magistral interprète ne se répand pas en confidences sur la place publique. Sa carrière, médiatiquement discrète, l’amène à parcourir le monde avec un répertoire d’une impressionnante étendue, de William Byrd à Arnold Schönberg. Que ce soit en récital ou en concert avec orchestre, Grigory Sokolov reçoit partout un accueil enthousiaste de la part du public comme de la critique. « La musique n’est pas un métier, c’est la vie tout simplement ! L’interprétation, ce n’est pas un travail de dix minutes, de dix jours ou d’un mois. C’est le produit de toute une vie. » C’est ainsi que Grigory Sokolov, qui développe un jeu unique fait de contrôle absolu, de forte personnalité et d’une palette de couleurs sans limite, caractérise sa fonction d’artiste. L’intensité particulière de ses interprétations en fait un interprète recherché par toutes les institutions musicales du moment. S’il enregistre peu, c’est sans doute parce que la musique, à ses yeux, se vit dans la fébrilité inspirée de l’instant et ne saurait être mise en boîte une fois pour toutes.
Grigory Sokolov est né à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) et a commencé ses études de musique à l’âge de cinq ans. Deux ans plus tard, il entre à l’École spécialisée du Conservatoire de Leningrad pour étudier auprès de Liya Zelikhman. A douze ans, il donne son premier récital public, mais c’est en 1966 qu’on découvre son talent prodigieux, quand, à seulement seize ans, il devient le plus jeune musicien de l’histoire à recevoir le Grand Prix du Concours International Tchaïkovski de Moscou.
Le programme de son prochain récital toulousain s’ouvrira sur une série de pièces écrites pour le clavecin par le compositeur britannique du XVIIème siècle, Henry Purcell. Trois suites (n° 2, 4 et 7) alterneront avec des partitions inspirées des répertoires traditionnels de l’époque (Irlande, Ecosse…).
Ces pièces seront suivies des Variations héroïques (ou Variations « Eroica ») op. 35 de Ludwig van Beethoven. Il s‘agit d’un cycle de quinze variations et une fugue en mi bémol majeur composées en 1802 sur un thème commun à son ballet Les Créatures de Prométhée, à la septième de ses 12 Contredanses, WoO 14 (1800 – 1802), et à sa Symphonie nº 3 « Héroïque » (composée un an plus tard). Elles sont dédiées au comte Moritz von Lichnowski.
Les Trois Intermezzi, opus 117, de Johannes Brahms qui complèteront ce panorama ont été composés pendant l’été 1892 lors d’un séjour à Bad Ischl. Ces œuvres crépusculaires d’une grande profondeur expressive constituent une sorte de testament pianistique. Ce sont les pages du journal intime d’un homme « qui ne riait jamais » disait Brahms de lui-même.
Le 21 novembre, retour d’une légende du piano.
Serge Chauzy
Le programme du concert donné le 21 novembre 2022 à la Halle aux Grains de Toulouse :
– Ground in Gamut sol majeur Z. 645
– Suite n°2 en sol mineur Z. 661
– A New Irish Tune
– A New Scotch Tune sol majeur Z. 655
– [Trumpet Tune, called the Cibell] do majeur Z.T. 678
– Suite n°4 en la mineur Z. 663
– Round O, Z.T684 (extr. Abdelazar, or The Moor’s Revenge)
– Suite n°7 en ré mineur Z. 668
– Chacone en sol mineur Z.T. 680
* L. van Beethoven :
– Quinze Variations & une Fugue en mi bémol majeur (Variations Eroica), opus 35
* J. Brahms :
– Trois Intermezzi, opus 117