Concerts

Grande cuisine

L’ouverture de la saison de concerts de l’Orchestre de Chambre de Toulouse se produit sous les meilleurs auspices. De retour d’une grande tournée en Amérique du Sud, les musiciens toulousains attaquent leur série de rencontres avec leur public largement fidélisé sur la bonne nouvelle du nombre croissants d’abonnés, lequel atteint 1500. Une belle performance en ces temps de rigueur qui affectent trop souvent prioritairement la culture. L’indispensable « Concert à la criée », qui ouvre traditionnellement la saison attire toujours une audience enthousiaste. C’est plus que jamais le cas au cours des soirées des 26, 27 et 28 septembre.
Rappelons ce concept iconoclaste d’établir le programme musical, autrement dit le menu de la soirée. Il consiste à interroger directement les spectateurs présents sur le choix des œuvres qu’ils souhaitent entendre. Ce choix se fait à partir d’une carte très sérieusement distribuée en début de soirée et qui se décline en cinq étapes, de l’amuse-bouche au dessert, en passant par les entrées, les plats principaux et les fromages. Vingt-quatre plats différents (et donc autant de partitions) sont ainsi proposés à l’appréciation de chacun. Une véritable performance hors norme pour tous les musiciens qui ignorent donc, en entrant sur scène, ce que seront les choix du public. Des choix qui dictent en outre celui des instruments à utiliser : baroques ou modernes !

Gilles Colliard, maître d’hôtel du repas gastronomique offert par l’Orchestre de Chambre de Toulouse (Photo Classictoulouse)

Dans l’attente des désirs exprimés par le public, l’amuse-bouche est directement offert. Le soir du 27 septembre, trois Sinfoniae de Scarlatti (n° 3, 5 et 1) ouvrent donc l’appétit sur la volubilité, la vivacité des traits virtuoses du grand compositeur italien. Vient alors le temps de la commande des entrées (trois choix possibles parmi les sept plats proposés) qui prend alors des allures d’enchères. Le maître d’hôtel, en l’occurrence Gilles Colliard, carnet à la main, note avec bonhomie les vœux bruyamment hurlés par les spectateurs. Le mot « criée » est vraiment celui qui convient ! Henry Purcell et sa Chaconne dansante et gracieuse, Marin Marais, avec l’élégance grand siècle de ses Trois danses et Antonio Vivaldi et sa Sinfonia Alla Rustica pleine de verve et d’invention gagnent tous les suffrages.

Ce sont également trois partitions que le public choisit parmi les dix propositions de plats principaux. Pietro Locatelli ouvre le série avec « Il pianto d’Ariana », une pièce contrastée, mêlant la colère de la malheureuse abandonnée par Thésée, son désespoir et sa résignation. Du véritable théâtre musical admirablement joué par chaque musicien. Après un changement d’instrumentarium (des cordes baroques aux cordes modernes), le fameux Thème et Variations du quatuor La Jeune Fille et la Mort, de Franz Schubert, dans sa version pour orchestre à cordes, nous entraîne dans le monde tragique du compositeur du Voyage d’hiver. Enfin, L’Oracion del Torero, de Joaquin Turina, rétablit un horizon souriant et de belles couleurs hispaniques.

Fromages français et tchèque sont en concurrence. Le poétique Aquarium du Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns, transparent comme une eau claire, et la très Mitteleuropa Bagatelle n° 2 d’Antonin Dvořák se partagent l’assiette. C’est enfin un double dessert, généreusement offert, qui conclut le plantureux repas. Le premier mouvement de la célébrissime Petite Musique de Nuit, de Wolfgang Amadeus Mozart est suivi du final de la Simple Symphony de Benjamin Britten, crémeux à souhait !

Deux suppléments sont encore apportés : une Danse du Sabre endiablée signée Aram Khatchaturian et l’élégante Valse de la Sérénade pour cordes de Piotr Tchaïkovski. Quel repas mes amis !

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