Il y a cent ans disparaissait Gabriel Fauré. Ce lundi 15 janvier dernier, les Clefs de Saint-Pierre ont décidé de lui rendre hommage en programmant l’une de ses dernières œuvres de musique de chambre. En lui associant une partition de même structure d’Ernest Chausson, les musiciens impliqués établissent ainsi un dialogue d’une belle et profonde signification entre deux styles proches mais néanmoins complémentaires.
En ouverture de cette soirée du 15 janvier, l’association Internotes, qui gère les activités musicales des Clefs de Saint-Pierre, annonce un changement à sa tête. La violoniste de l’Orchestre national du Capitole, Edwige Farenc, jusque-là Présidente de l’association, cède la place à Laurent Grégoire. Celui-ci présente alors son nouveau Vice-président, le timbalier-percussionniste bien connu de la phalange toulousaine, Jean-Sébastien Borsarello. C’est ce dernier qui annonce et commente le beau programme musical de cette soirée.
La formation violon, violoncelle, clavier, avec ses variantes, constitue une association privilégiée du répertoire de musique de chambre depuis l’époque baroque. L’hommage à Gabriel Fauré fournit un excellent prétexte à la diffusion de cette forme musicale intimiste. Les trois musiciens issus de l’Orchestre national du Capitole forment le Trio Lecourt qui officie ce soir-là.
La pianiste Inessa Lecourt, née en Russie, est à la fois artiste de musique de chambre, accompagnatrice à l’Orchestre, chef de chant au CRR de Toulouse et membre de la classe de direction d’orchestre de l’Institut Supérieur des Arts et du Design de Toulouse (ISDAT). Le violoniste Alexandre Dalbigot est tuttiste et co-soliste au sein de l’Orchestre depuis 2004 et il est membre de plusieurs ensembles de musique de chambre. Benoît Chapeaux, violoncelliste au sein de l’Orchestre, est également très actif en musique de chambre au sein d’ensembles qu’il a co-fondés.
Ces trois artistes abordent la musique de Gabriel Fauré avec un soin particulier apporté aux modulations, si typiques de son écriture. Son Trio avec piano en ré mineur est l’une des dernières œuvres de musique de chambre du compositeur appaméen qui venait de prendre, en 1920, sa retraite comme directeur du Conservatoire de Paris. Cette partition accomplie s’écoute comme une série d’échanges, de confidences entre les trois instruments. Le chant émerge dès les premières mesures de l’Allegro non troppo initial, plein d’un lyrisme élégant et fervent. Le rêve, mêlé à quelques élans nostalgiques, habite l’Andantino, alors que les interprètes animent l’Allegro vivo final d’une fièvre chaleureuse.
En miroir, ou en écho, les trois musiciens se lancent ensuite dans l’exécution passionnée du Trio pour piano, violon et violoncelle en sol mineur d’Ernest Chausson, œuvre de prime jeunesse composée en 1881. L’ensemble de la pièce baigne dans un climat plus tourmenté que son homologue fauréen. Elle s’ouvre sur l’affirmation déclamatoire puis carrément dramatique du premier volet intitulé Pas trop lent – Animé. D’une vivacité légère, le mouvement suivant, Vite, tel un scherzo mendelssohnien, ouvre la voie au chant nostalgique du troisième volet, Lent, qui évolue vers le drame et la douleur. Dans le final Animé, les interprètes soulignent l’élan volontaire, épique même, d‘une écriture mobile et tumultueuse. Cette œuvre rare méritait vraiment de sortir de l’ombre. Un grand merci aux musiciens qui y contribuent.
Un bis plein de charme répond aux applaudissements nourris du public. La belle transcription pour trio de la célèbre Pavane de Gabriel Fauré marque le retour vers la célébration tellement justifiée du centenaire de sa disparition.
Serge Chauzy
Programme du concert donné le 15 janvier 2024 à 20 h à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines de Toulouse
- Gabriel Fauré : Trio avec piano en ré mineur op. 120
- Ernest Chausson : Trio avec piano en sol mineur op.