Concerts

Eblouissant !

Avant d’aller porter la bonne parole (musicale !) aux Parisiens de la salle Pleyel, l’Orchestre national du Capitole et son directeur Tugan Sokhiev, avec la participation du grand pianiste Nicholas Angelich, ont enflammé la Halle aux Grains ce 5 avril dernier. Un programme taillé sur mesure pour la phalange toulousaine galvanisée et en grande forme.
La première partie, consacrée à la musique russe s’ouvre sur une rareté signée Rimski-Korsakov. Extraite de son avant-dernier opéra La légende de la ville de Kitège et de la vierge Fevronia, Tugan Sokhiev a choisi l’interlude du second tableau de l’acte III. Cette brillante pièce symphonique illustre la bataille entre les hommes de la cité invisible et la horde des Tatars. L’orchestrateur exceptionnel qu’est Rimski-Korsakov y déploie tout son talent. Tugan Sokhiev obtient de son orchestre un jeu d’un impressionnant relief, une explosion de couleurs. La progression de crescendos implacables, la dynamique, la précision, l’intensité des contrastes confèrent à cette courte pièce une urgence dramatique. On croit déceler, notamment dans l’évocation de la chevauchée fantastique, comme une prémonition de ce que sera le motorisme irrésistible d’un Prokofiev.

Le pianiste Nicholas Angelich, soliste de la Rhapsodie sur un thème de Paganini, de Rachmaninoff © Classictoulouse

Né aux Etats-Unis, Nicholas Angelich s’est déjà produit de nombreuses fois aux côtés de l’Orchestre national du Capitole, à Toulouse ou en tournée à l’étranger, et également comme invité du festival international Piano aux Jacobins. Il se lance cette fois dans les redoutables variations de la Rhapsodie sur un Thème de Paganini, de Sergei Rachmaninoff. Cette partition très virtuose, composée pour lui-même par l’un des plus prodigieux pianistes du XXème siècle, comporte vingt-quatre variations sur le fameux thème du 24ème Caprice de Paganini. Un motif qui avait déjà inspiré Brahms et Liszt. L’accord fusionnel entre le soliste et l’orchestre porte ici l’œuvre à son paroxysme. Nicholas Angelich ouvre le dialogue avec une énergie stupéfiante. Dans la succession des variations, il alterne les humeurs avec un sens aigu des contrastes. La poésie succède à la fureur, le thème de Paganini se mêle de manière diabolique à celui du Dies Irae médiéval. On fond de tendresse à l’écoute de la fameuse variation 18, si proche des grands concertos de Rachmaninoff. Le lyrisme qu’y insuffle le compositeur est décuplé par la complicité entre le pianiste et l’orchestre. L’épanchement des cordes, subtilement mesuré par Tugan Sokhiev, de la tendre compassion à l’extase incandescente, bouleverse !

Tugan Sokhiev et l’Orchestre national du Capitole, à l’issue du concert

© Classictoulouse

Deux bis sont à peine suffisants pour calmer l’enthousiasme du public. Une Mazurka nostalgique de Chopin, suivie d’une brillante Etude-tableau de Rachmaninoff complètent le plaisir pianistique.

La seconde partie consacrée à la quatrième symphonie de Brahms prolonge une qualité orchestrale de première grandeur. On connaît la profonde affinité de Tugan Sokhiev avec Brahms dont il maîtrise avec ardeur l’orchestration, le lyrisme et l’agogique. Les premières mesures de l’Allegro non troppo, prises dans un tempo idéal, hissent la grand voile d’un voyage imaginaire. Tout ce premier mouvement tétanise l’écoute, jusqu’à la stupéfiante coulée de lave de sa coda qui coupe le souffle de l’auditeur ! Une poésie presque schubertienne imprègne la douce marche de l’Andante moderato qu’un rêve nostalgique vient transcender. Le rythme solidement marqué, sans lourdeur mais clairement scandé, de l’Allegro giocoso, conduit joyeusement au final, habilement construit par Brahms sur le modèle de l’ancienne chaconne, si courante à la Renaissance. C’est précisément à une renaissance musicale que mène la succession des trente-deux variations de ce volet final. Le relief orchestral y atteint une éblouissante diversité de nuances. L’orchestre ainsi porté à son point de fusion rejoint les grandes formations internationales familières de ce répertoire symphonique. Un grand concert capté en direct par et pour la chaîne Mezzo et donc qu’il sera possible de voir ou revoir sur les petits écrans.

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