« L’Ecole de Vienne » constituait le thème du concert que présentait l’Orchestre de Chambre de Toulouse à l’auditorium de Saint-Pierre des Cuisines le 7 février dernier. Il s’agissait d’évoquer la révolution atonale initiée par Arnold Schönberg au début du 20ème siècle et dont Anton Webern et Alban Berg furent les disciples.
Le clarinettiste Michel Lethiec et l’Orchestre de Chambre de Toulouse
Ce mouvement esthétique est souvent qualifié de « Deuxième Ecole de Vienne », par analogie avec la « Première Ecole de Vienne » attachée aux créations de Haydn et Mozart. Gilles Colliard a ainsi conçu un programme qui illustre ces deux fastes périodes viennoises de création.
L’angoisse, la tension générée par les silences, le temps comme suspendu nourrissent les « Fünf Sätze » (Cinq pièces) de Webern. Cette musique de l’ellipse, de l’introspection, ce concentré de fulgurance trouve ici des interprètes attentifs, rigoureux, totalement impliqués sous la direction précise de Gilles Colliard qui laisse un instant son archet pour la direction.
Il le reprend avec conviction pour l’exécution de « Die verklärte Nacht » (La Nuit transfigurée), œuvre de jeunesse de Schönberg, qui conclut le programme dans sa version pour orchestre à cordes. Ce rare témoignage de postromantisme assumé conduit un héritage wagnérien inavoué vers un expressionnisme visionnaire. L’orchestre en explore avec force le lyrisme exacerbé, les contrastes d’atmosphère, le cheminement sensible.
Entre ces deux partitions fortes, l’évocation en deux volets de la première école de Vienne fait appel au brillant clarinettiste Michel Lethiec. Associé au quatuor à cordes issu de l’orchestre, il déclame avec passion le génial Quintette pour clarinette et cordes de Mozart. Cette œuvre miracle concentre l’essence de la musique de son créateur. La sonorité du soliste s’y déploie du fortissimo le plus intense aux plus impalpables pianissimi.
De Girolamo Salieri, le neveu d’Antonio (le soi-disant rival de Mozart), Michel Lethiec joue ensuite l’Adagio et Variations pour clarinette et cordes. Il y caracole avec virtuosité et esprit sur les joyeuses pirouettes à la Rossini accumulées par le compositeur.
Le bis généreusement accordé par les interprètes nous transporte bien loin de Vienne, sur les rives du tango avec une pièce chaleureuse du grand Astor Piazzola. Une détente ensoleillée bienvenue après les tensions nocturnes schönbergiennes…