Du trio au quintette, les formations instrumentales de chambre présentées par les Clefs de Saint-Pierre ce lundi 1er décembre dernier ont permis d’explorer un large répertoire. Réunis sur le plateau de l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, cinq musiciens de l’Orchestre national du Capitole avaient décidé d’aborder des œuvres très diverses, d’un instant d’éternité à une sorte de course à l’abîme.
Les acteurs de cette soirée sont bien connus des habitués des concerts donnés à la Halle aux Grains par l’Orchestre national du Capitole. Il s’agit de Guilhem Boudrant, violon, Audrey Leclercq, alto, Pierre Héquet, contrebasse, Louis Seguin, hautbois, et Laurence Perry, clarinette. Ce concert du 1er décembre aborde deux répertoires que séparent près de trois siècles et deux styles musicaux bien différents.

– Photo Classictoulouse
Les fameuses Variations Goldberg BWV 988, de Johann Sebastian Bach, qui ont été conçues en 1741 pour clavecin à deux claviers, sont jouées ici dans une transcription pour violon, alto et contrebasse réalisée par le contrebassiste macédonien Gjorgji Cincievski, né en 1981. Pierre Héquet présente l’œuvre et sa structure sous la forme de trente variations d’un thème qui les précède et les conclut. Ce recueil touffu, fantasque, d’une rare densité contrapuntique ainsi arrangé, résonne comme une discussion à trois qui devient en quelque sortes une œuvre différente, sans pour autant trahir l’original.
Le jeu des interprètes manifeste une cohésion impressionnante qui pourtant ne gomme en rien la spécificité des couleurs individuelles. Chaque instrument semble jouer un rôle particulier. En outre, l’alternance de caractère des variations qui se succèdent, parfois d’une ardente vivacité, parfois méditatives, enrichit leur déroulement. La virtuosité de chacun se montre à la hauteur du défi, parfois redoutable, que cette transcription impose à chaque musicien. Une virtuosité parfois individuelle, mais aussi collective. On admire en particulier l’extrême volubilité du jeu de Pierre Héquet qui maîtrise admirablement un instrument aussi imposant que la contrebasse, notamment dans l’étincelante Variation 14. Ses deux collègues ne sont certes pas en reste, chacun prenant sa part de la vitalité commune. Le retour du thème initial apaise l’atmosphère comme pour un retour aux sources. L’ovation qui salue cette performance est à la hauteur de l’exploit !

C’est un autre monde qui s’ouvre dans la deuxième partie de la soirée. Le trio à cordes est rejoint par le hautbois de Louis Seguin et la clarinette de Laurence Perry. Les cinq complices investissent leur énergie dans l’exécution du Quintette en sol mineur opus 39 de Sergueï Prokofiev. Cette œuvre originale aux multiples facettes a été composée en 1924 sur une commande du chorégraphe Boris Romanov pour accompagner un ballet en six tableaux dans le cadre d’un spectacle ambulant sur le thème du cirque, intitulé Trapèze.

Les six mouvements de l’une des partitions les plus dissonantes de Prokofiev, mêlent et alternent mélodies espiègles et harmonies acides, chromatiques et parfois polytonales. La premier volet, Tema : moderato, manifeste toute l’ironie moqueuses dont le compositeur est capable. Dans l’ensemble de l’œuvre, le rêve et l’inquiétude, l’agitation débridée et les propos grinçant se succèdent dans une ironie permanente que les musiciens manient avec talent et habileté.
Le succès est tel que le mouvement final de la partition doit être repris, au grand bonheur de l’assistance.
Serge Chauzy
Programme
- Johann Sebastian Bach : Variations Goldberg BWV988 (arrangement pour violon, alto et contrebasse de Gjorgji Cincievski)
- Sergueï Prokofiev : Quintette en sol mineur opus 39 pour hautbois, clarinette, violon, alto et contrebasse
