Concerts

Ardent dialogue

Un nouveau dimanche musical à la campagne réunissait, le 10 mars dernier à l’Orangerie de Rochemontès, un authentique ensemble de musique de chambre : la flûtiste Sandrine Tilly et la pianiste Anne Le Bozec. Un ensemble qui fête ses vingt ans d’existence au service d’un répertoire toujours plus large et plus divers.
Les fidèles des concerts de l’Orchestre national du Capitole connaissent bien Sandrine Tilly, flûte solo, dont les interventions au sein de la phalange toulousaine sont toujours remarquées et appréciées. Sa sonorité de soliste, dans un programme tel que celui de ce concert dominical, témoigne d’une richesse et d’une rondeur remarquables. Sans parler de l’assurance de sa virtuosité. A ses côtés, la palette expressive du jeu d’Anne Le Bozec fait de cette sympathique pianiste une accompagnatrice de grand talent. Encore faut-il prendre le terme d’accompagnatrice dans son sens le plus noble. Elle chemine avec la flûtiste d’un même pas, partage avec elle la responsabilité de l’interprétation, établit un véritable dialogue, fertile et plein d’ardeur.

La flûtiste Sandrine Tilly et la pianiste Anne Le Bozec à l’Orangerie de Rochemontès

– Photo Daniel Nguyen –

Le programme de cette fin d’après-midi, présenté avec simplicité et talent par les deux musiciennes, s’ouvre sur la fameuse sonate pour flûte et piano de Francis Poulenc. L’une des partitions les plus fêtées du compositeur dont on célèbre cette année le cinquantenaire de la mort, l’une des moins rares de cette formation. Les interprètes trouvent immédiatement le ton si particulier de cette musique qui émane d’un esprit double. Tour à tour léger et tourmenté, grave et provocateur, le texte musical de cette sonate éclaire d’une lumière ambigüe celui que Cocteau qualifiait de moine et de voyou. L’atmosphère navigue ici de la nostalgie à l’exubérance. L’émouvante Cantilène, en particulier, met en valeur les capacités de legato de la soliste. La première phrase, tendre et mélancolique, s’étire dans un seul souffle, soutenue par un piano « doucement baigné de pédales ».

Si la sonate de Poulenc est originalement écrite pour la flûte, les trois Romances jouées ici ont été initialement composées par Robert Schumann pour hautbois et piano. Le passage à la flûte se justifie pleinement et fonctionne à merveille. Cette grande œuvre de fin de vie véhicule une profondeur expressive touchante. Les sous-titres de ces trois Romances trahissent l’humeur introvertie de ce cycle émouvant : Nicht schnell (Pas vite), Einfach innig (Simple, intime) et de nouveau Nicht schnell. Les deux musiciennes leur confèrent ce caractère crépusculaire, sur le ton de la confidence, qui habite les dernières pièces de celui que la folie allait dramatiquement emporter.

Sandrine Tilly et Anne Le Bozec à l’issue du concert – Photo Daniel Nguyen –

Avec Béla Bartók, le propos est tout autre. Dans ses Chants populaires hongrois, pour piano seul, le compositeur confère ses lettres de noblesse au répertoire populaire de son pays. Les mélodies recueillies par lui-même « sur le terrain », harmonisées avec le raffinement qui lui est propre, résonnent comme un hommage à la culture d’Europe Centrale. Son élève Paul Arma en a transcrit certaines pour flûte et piano et les a rassemblées dans sa Suite populaire hongroise. A l’image des suites de danses héritées de la Renaissance, ce recueil rassemble un florilège de mélodies et de rythmes d’une prodigieuse richesse. La vivacité des interprètes, leur parfaite complicité, rendent grâce à cette succession de pièces alertes ou nostalgiques, dans lesquelles s’exprime la culture de toute une terre profondément musicale.

C’est avec la brûlante Sonate pour flûte et piano op. 94, de Serge Prokofiev, que se conclut ce beau programme. Ecrite originalement pour la flûte, elle fut rapidement transcrite pour violon et piano, à la demande pressante du grand David Oïstrakh. Les deux versions en assurent la postérité. S’ouvrant sur la sérénité joyeuse de l’Andantino, la partition développe toutes les caractéristiques de l’écriture d’un compositeur imaginatif et virtuose. La flûte de Sandrine Tilly brille de tous ses feux, notamment dans le diabolique Allegro qui suit, hérissé de ces rythmes motoriques implacables qu’affectionne Prokofiev. Les musiciennes soulignent avec détermination les contrastes de l’Andante, de la rêverie à l’inquiétude. Enfin, l’éclat rutilant de l’Allegro con brio final sollicite avec succès toutes leurs ressources virtuoses et expressives. Une course joyeuse rassemble les deux interprètes dans un véritable feu d’artifice qui conclut l’œuvre.

Deux bis sont nécessaires pour répondre au succès que leur ménage le public. La flûte relaie la voix de ténor dans une belle transcription de l’air de Lenski, extrait de l’opéra Eugène Onéguine, de Tchaïkovski. Lyrisme et tendresse. C’est enfin Fritz Kreisler qui clôt la soirée avec son touchant « Schön Rosemarin » qui passe ici du violon à la flûte. Le charme opère !

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