Cible des sarcasmes convenus de leurs collègues violonistes, les altistes n’ont plus à avoir de complexes. Depuis des années, de grands artistes, il est vrai peu nombreux, donnent ses lettres de noblesse à cet instrument intermédiaire, chaînon manquant entre le violon et le violoncelle. A coup sûr, Antoine Tamestit est l’un d’entre eux. Il était l’invité des Arts Renaissants, le 24 novembre dernier. Aux côtés du pianiste allemand Markus Hadulla, le jeune musicien présentait un programme plein de finesse autour de Johannes Brahms.
La plénitude d’une sonorité de bronze frappe immédiatement à l’écoute des premières notes projetées par Antoine Tamestit. Intense et profond, son timbre séduit aussi bien dans l’instant que sur la durée. Comme il l’annonce lui-même, le programme qu’il a élaboré avec son accompagnateur plonge ses racines dans les deux Sonates jumelles opus 120 qui constituent les derniers feux de Brahms dans le domaine si secret, si profond, de la musique de chambre. Initialement conçus pour la clarinette, ces deux chefs-d’œuvre conviennent parfaitement au timbre nostalgique de l’alto, dont Claude Rostand souligne « le caractère expressif, mélancolique et résigné ». Les interprètes exaltent le lyrisme intense mais toujours contenu qui s’exprime dès l’Allegro appassionato de la première sonate, dont le cheminement cyclique évoque la douceur d’un souvenir. Comme dans un rêve, l’Andante, un poco adagio déroule sa mélancolie automnale avec une grande économie de moyens. L’Allegretto grazioso, sous la forme d’un menuet avec son trio, exploite la légèreté souriante d’une écriture pleine de charme. C’est sur les échanges enflammés du Vivace final que se conclut ce premier volet du diptyque.

Le pianiste Markus Hadulla et l’altiste Antoine Tamestit à l’issue de leur concert toulousain © Classictoulouse

Astucieusement, cette sonate est précédée d’une partition majeure de Johann Sebastian Bach, emblème tutélaire et objet de vénération de la part de Brahms. Dans cette Sonate en sol mineur pour viole de gambe et clavecin, l’alto reste un substitut parfaitement crédible de la viole. La rigueur chaleureuse que manifeste Antoine Tamestit dans le Vivace initial, son phrasé généreux se prolongent dans le jeu legato de l’Adagio. La dynamique impressionnante qui se déploie dans l’Allegro final se nourrit d’une énergie et d’une tension tout intérieures.

L’introduction de la seconde partie de la soirée fait appel au mentor, lui aussi vénéré de Brahms, Robert Schumann. Les trois Romances opus 94, écrites originalement pour hautbois et piano, ne pâtissent aucunement de la transposition à l’alto. Les interprètes traduisent admirablement l’art du récit de Schumann. La première, Nicht schnell (Pas vite), raconte une histoire. Dans la deuxième, Einfach, innig (Simple, intérieur), les contrastes s’affirment entre la rêverie et l’animation, alors que le retour de Nicht schnell pose une question qui reste finalement sans réponse.

La seconde Sonate de l’opus 120 relie Brahms à Clara Schumann pour laquelle le compositeur éprouva une profonde tendresse, sinon plus… Antoine Tamestit souligne légitimement le caractère « aimable » et souriant de l’Allegro amabile, puis la passion manifestée sans retenue, alimentée par le chant du piano, de l’Allegro appassionato. Le final à variations, une spécialité de Brahms, Andante con moto – Allegro, conduit d’abord peu à peu vers l’apaisement. Néanmoins la conclusion retrouve l’énergie vitale, créatrice, qui n’a jamais quitté le compositeur. Le duo alto-piano dialogue ici avec esprit et complicité.

Le bis offert au public enthousiaste prolonge la familiarité avec Brahms. C’est sur l’un de ses plus beaux lieder, Die Mainacht (La nuit de mai), que l’alto d’Antoine Tamestit se glisse avec art dans le souffle de la voix.

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