Festivals

In memoriam Jehan Alain

Chargé des communications sur le front de l’est, Jehan Alain disparaît à l’âge de 29 ans le 20 juin 1940, à deux jours de la signature de l’armistice. Le frère aîné de la célèbre organiste Marie-Claire Alain aurait cent ans cette année. Le 16ème festival international Toulouse les Orgues lui dédie une part importante de ses manifestations.

Brigitte Fossey pendant le spectacle Jehan Alain – Photo Classictoulouse

A l’évidence Jehan Alain était un surdoué. Organiste né dans une famille d’organistes, il compose une musique très personnelle, mais aussi il dessine, il écrit. Le 14 octobre dernier, Toulouse les Orgues investit la basilique Saint-Sernin pour lui rendre un hommage émouvant et original. En présence de la nièce de Jehan Alain, la musicologue Aurélie Decourt, fille de Marie-Claire Alain, un spectacle musical et poétique, intitulé « Lettres du front et autres écrits en musique » lui est dédié. La comédienne Brigitte Fossey met en scène et déclame un choix de textes et de lettres du musicien-poète. Il revient à Michel Bouvard de ponctuer ce parcours d’un florilège de pièces pour orgues, témoignant ainsi de la forte personnalité musicale, du talent original d’un authentique créateur.

Brigitte Fossey évoque tout d’abord quelques-uns des poèmes de Jehan Alain, tout imprégnés de foi, de révolte, de passion pour la vie. Sa diction parfaite, son engagement, son exaltation éclairent ces poèmes d’une belle lumière. On pense aux évocations nostalgiques de l’auteur du Grand Meaulnes, Alain-Fournier, à l’atmosphère sensible et forte à la fois d’une adolescence exaltée. Puis viennent les fameuses lettres expédiées depuis le front par Jehan Alain à sa famille, à sa femme et à ses enfants. Plus on se rapproche de la date fatale du 20 juin, plus l’émotion gagne l’assistance et la comédienne dont les yeux s’embuent.

L’organiste Michel Bouvard et la comédienne Brigitte Fossey à l’issue du spectacle

– Photo Classictoulouse –

Le choix des pièces jouées par Michel Bouvard balise avec grandeur le déroulement du spectacle. La Berceuse sur deux notes qui cornent, datant de 1929, épice la lecture d’un poème, à la manière des mélodrames romantiques. L’orientalisme de la Première Danse à Agni Yavishta, puis l’intensité de la prière que semble évoquer la splendide Première Fantaisie précèdent le très beau triptyque des Trois Danses, Joies, Deuils et Luttes, auquel Michel Bouvard confère des couleurs et une vie intérieure frémissante. La richesse des jeux et des registrations du Cavaillé-Coll de la basilique est ainsi magnifiée. Luttes, en particulier, déploie une force irrésistible. Les lumières qui accompagnent tout le spectacle en constituent en outre un élément essentiel. Le vaste vaisseau de la basilique représente à cet égard un écran de toute beauté, magnifiquement exploité. Ainsi les projections végétales qui accompagnent l’exécution du très poétique Jardin suspendu, celles qui illustrent la très élaborée Deuxième Fantaisie et les post-fauréennes Litanies, probablement la plus célèbre des pièces pour orgues de Jehan Alain, contribuent à la force délicate de la musique. Michel Bouvard transcende les possibilités quasiment illimitées de cet instrument prodigieux, aussi bien pour ce qui concerne l’extrême dynamique que l’opulence et la variété des timbres.

Cette belle production ne restera heureusement pas limitée au spectacle toulousain. Dans le cadre du Festival d’Orgue Européen « Connecting Arts », elle sera également présentée à Utrecht, Copenhague et Malmö notamment. Souhaitons que l’œuvre de Jehan Alain bénéficie ainsi d’un renouveau d’intérêt parfaitement légitime. Pas plus tard que le 15 octobre, l’Orchestre du Capitole, sous la direction de Tugan Sokhiev, donne la version orchestrale des Trois Danses, réalisée par Luc Antonini.

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