Festivals

L’hommage à Rameau

Voici 250 ans disparaissait l’un des plus importants compositeurs français de la période baroque. Dans sa programmation de la 11ème édition du festival Toulouse d’Eté, son fondateur, Alain Lacroix, a tenu à réserver à Jean-Philippe Rameau une place de choix. Après le récital lyrique de Bénédicte Roussenq et le concert de piano d’Olivier Moulin, deux manifestations explorant les filiations nées du génie de cet inventeur, la journée du 23 juillet consacrait intégralement deux concerts au compositeur des Indes Galantes. Le claveciniste Jean Rondeau, puis l’ensemble Les Paladins lui rendaient ainsi un hommage fervent.

Le claveciniste Jean Rondeau lors de son récital du 23 juillet 2014

– Photo Classictoulouse –

Clavier magique
C’est avec une familiarité sympathique et bienvenue que le jeune claveciniste de vingt-trois ans, Jean Rondeau, investit l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines. La liste des récompenses qu’il a obtenues à ce stade de sa carrière précoce en dit long sur le talent qui est le sien. Le Premier Prix du prestigieux Concours International de clavecin de Bruges, obtenu en 2012, constitue probablement la plus flatteuse de ses récompenses.

Une allure d’adolescent décontracté, coiffé en pétard, Jean Rondeau n’en déploie pas moins un jeu étonnant de naturel, de finesse et de fluidité, mais aussi et surtout d’inventivité. Sa main légère effleure le clavier du riche instrument de Philippe Humeau, une belle copie d’un clavecin français de l’époque de Rameau. Deux partitions extraites du recueil de 1728 des Nouvelles Suites de pièces de clavecin composent son récital.

Dans la Suite en la, la virtuosité de l’interprète ne cherche pas à prendre le pas sur sa musicalité. L’allusion à l’autre activité majeure de Rameau, l’opéra-ballet pointe sa croche. Ainsi en est-il de la citation de Zoroastre dans la belle Sarabande. L’apothéose imaginative réside indéniablement dans ce mouvement intitulé significativement Les Trois mains ! Les croisements, les enchevêtrements du doigté évoquent bien en effet l’intervention nécessaire d’une troisième main que l’interprète simule avec verve. Et puis les variations diaboliques de la Gavotte finale couronnent le tout.

La Suite en sol, quant à elle, réunit quelques-uns des grands « tubes » qui ont fait la gloire du compositeur. Dans La Poule, emblème imitatif par excellence, Jean Rondeau joue légitimement la liberté, introduisant comme des hésitations caractéristiques du gallinacé… L’épisode des Sauvages, issu des Indes Galantes, ainsi que L’Egyptienne, qui referme la suite, font que l’on se retrouve en pays de connaissance.

Une pièce isolée, intitulée La Dauphine, conclut (presque) le récital. Judicieusement, l’interprète offre comme rappel le fameux… Rappel des Oiseaux. Un babillage d’une fraîcheur réjouissante.

L’ensemble Les Paladins, dirigé depuis le clavecin par Jérôme Corréas. Au fond les deux solistes : le ténor néerlandais Marcel Beekman et la soprano brésilienne Luanda Siqueira

– Photo Classictoulouse –

Opéras pour la paix

L’ensemble Les Paladins, nom éminemment ramiste s’il en fût, dirigé du clavecin par Jérôme Corréas, offre ensuite un florilège très intelligemment conçu des opéras et opéras-ballets les plus significatifs de Jean-Philippe Rameau réuni sous le titre générique « Opéras pour la paix », une initiative particulièrement bienvenue aujourd’hui, en ces temps dangereusement troublés.

Depuis Les Surprises de l’amour, jusqu’aux Indes Galantes en passant par Naïs et Zoroastre, les interprètes aguerris de ce répertoire développent ainsi l’essentiel des facettes lyriques caractéristiques de Rameau. L’ensemble instrumental composé de deux violons, une flûte, un basson, un violoncelle, une contrebasse et bien sûr le clavecin joué par Jérôme Corréas lui-même, pallie son effectif réduit par une musicalité raffinée. Deux chanteurs spécialistes de ce répertoire incarnent tour à tour les principaux rôles de ces ouvrages. La très belle soprano brésilienne Luanda Siqueira plie sa voix riche et ronde tour à tour à la colère de Céphise ou à la générosité d’Emilie. Le ténor néerlandais Marcel Beekman déploie une variété de couleurs, une dynamique, un éclat étonnants. Si le timbre ne séduit pas immédiatement de lui-même, la gamme des nuances de son chant est considérable. Tonitruant comme une trompette (notamment dans l’air de Neptune extrait de Naïs) ou maniant la voix mixte d’un haute-contre à la française avec une incroyable finesse, il adopte tous les modes d’expression du théâtre lyrique baroque. Le sublime duo « Que je vous aime » de Naïs, comme murmuré avec passion, réunit le meilleur de ces deux artistes. Ce duo est d’ailleurs bissé lors des rappels réclamés par le public qui retrouve également avec bonheur, comme autre rappel, la version chantée des fameux Sauvages qui conclut Les Indes Galantes.

L’hommage aurait plu à son dédicataire !

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