Festivals

Scriabine, l’extase poétique

Trop rare dans les programmes de concerts, l’œuvre d’Alexandre Scriabine occupe une place à part dans le panorama pianistique. Saluons d’autant plus le choix de la très talentueuse pianiste Varduhi Yeritsyan de consacrer l’intégralité de son récital du 29 septembre au compositeur russe dont on célèbre cette année le centenaire de la disparition. Voici qui souligne un autre volet de la réussite de ce 36ème festival Piano aux Jacobins.

La disposition de la salle de concert et du rideau de scène de Pablo Picasso

– Photo Classictoulouse –

Née à Erevan, la pianiste franco-arménienne Varduhi Yeritsyan occupe une position singulière dans le paysage pianistique actuel. Aussi à l’aise dans la musique de Johann Sebastian Bach que dans la création contemporaine, elle vit en France depuis l’âge de vingt ans. La grande Brigitte Engerer la considérait comme « … une pianiste de grand talent, une vraie musicienne dotée de grandes facilités techniques, d’une personnalité affirmée, et d’un vaste répertoire, brillante, talentueuse, intelligente… » Son récital toulousain vient largement confirmer cette opinion.

Accueilli dans la salle mythique d’exposition du rideau de scène de Picasso du musée Les Abattoirs, son programme Scriabine ne pouvait trouver meilleure correspondance visuelle. Souvenons-nous que le compositeur russe considérait comme fondamentales les associations couleurs-musique. Varduhi Yeritsyan réalise ainsi, dans ce lieu magique, une sorte de convergence des impressions.

Marqué, à ses débuts, par l’influence de Chopin et de Liszt, Scriabine a finalement adopté un langage musical si personnel, si caractéristique, que quelques notes, quelques accords surtout, suffisent à le dévoiler, à l’identifier. Le panorama pianistique imaginé par Varduhi Yeritsyan brosse un portrait étonnant de richesse de ce créateur original. Construit autour de cinq de ses dix sonates publiées, cet itinéraire musical intègre, en guise de transitions, une série de courtes pièces intercalées entre ces sonates. Après un premier Feuillet d’album, la Sonate n° 4 en fa dièse majeur traduit admirablement le programme imaginé par le compositeur : « Le vol de l’homme vers l’étoile, symbole du bonheur ». L’exaltation extrême du second volet de l’œuvre Prestissimo volando, porté à l’incandescence par l’interprète, coupe le souffle !

La pianiste Varduhi Yeritsyan – Photo Classictoulouse –

La dernière des Trois pièces op. 49 introduit la 10ème et dernière sonate, considérée par Scriabine comme la « Sonate des insectes », titre justifié par l’interprétation du compositeur lui-même : « Les insectes sont nés du soleil qui les nourrit. Ils sont les baisers du soleil… » Une large houle irisée par la multiplication de trilles étincelants parcourt cette courte pièce. Les sonates n° 7 et n° 9 portent bien leur sous-titre respectif de « Messe blanche » et « Messe noire ». Comme animées par un mysticisme lumineux, elles déploient ces accords suspendus, ces intervalles inattendus, ces harmonies inquiétantes qui caractérisent l’écriture de Scriabine, indissolublement associée à l’expression d’une passion dévorante. Les Deux pièces de l’opus 57, Désir et Caresse dansée, qui relient les deux « Messes » apportent leur douce lumière, s’opposant ainsi aux déchaînements expressifs de ces dernières.

Enfin, après la poésie de Nuances, 3ème des Quatre pièces op. 56, la Sonate n° 5 conclut ce programme dans une apothéose orgasmique. Conçue peu après le fameux Poème de l’extase, elle en possède l’essentiel des caractéristiques : les contrastes expressifs, l’exaltation, la démesure. De vastes crescendos, un déploiement foisonnant de couleurs, de brusques ruptures construisent une œuvre d’une énergie confondante. Les redoutables difficultés d’exécution de cette pièce aux multiples facettes n’impressionnent pas la pianiste qui, du bout de ses doigts, semble déchaîner un orchestre complet .

Acclamée comme il se doit, Varduhi Yeritsyan offre encore la transcription d’un chant traditionnel arménien intitulé « Le ciel est couvert », puis une Toccata enflammée du compositeur également arménien Aram Khatchaturian. Couleurs et sonorités sont comme inspirées par le lieu et le fameux rideau de scène de Picasso : « La dépouille de Minotaure en costume d’Arlequin », luxueuse toile de fond de cette scène musicale.

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