Entretiens | Opéra

Le Capitole offre Don Giovanni au maestro Riccardo Bisatti pour ses débuts français

Riccardo Bisatti - Photo : Andrea Butti

Il est indiscutablement l’étoile montante de la nouvelle génération des maestros transalpins. Tarmo Peltokoski ayant dû stopper toute activité pendant quelque temps, il devait entre autre diriger l’actuelle nouvelle production de Don Giovanni au Capitole, Christophe Ghristi a saisi l’opportunité qui se présentait alors d’inviter, pour la première fois en France, Riccardo Bisatti, un jeune prodige de 25 ans, natif de Novare, pour remplacer le chef finlandais à la tête de l’opéra des opéras.

Rencontre

Classictoulouse : C’est la première fois que vous dirigez à Toulouse, mais aussi en France, donc il convient de vous présenter à nos lecteurs. Vous êtes un tout jeune maestro italien de 25 ans qui déjà s’impose dans les plus grands théâtres transalpins. Quel est votre répertoire, plutôt lyrique, plutôt symphonique ou les deux ?

Riccardo Bisatti :  J’ai commencé comme pianiste, puis comme chef d’orchestre. Ce deuxième rôle est une véritable première pour moi en France, alors que, très jeune pianiste, j’ai remporté le Concours international de piano d’Orléans – Brin d’herbe. J’ai eu l’occasion de me produire dans votre merveilleux pays et je suis maintenant ravi d’y revenir dans un autre emploi. Mon répertoire va du symphonique à l’opéra, ayant eu l’occasion d’interpréter des œuvres de Brahms à Puccini, de Chostakovitch à Rossini dans certains des plus grands théâtres d’Italie. Je suis aujourd’hui reconnaissant à l’Opéra national du Capitole de m’avoir confié la production de Don Giovanni, un opéra qui a marqué mes débuts importants et que j’aime énormément.

Que représentait pour vous, avant de venir à Toulouse, le Théâtre du Capitole ?

Le Théâtre du Capitole représente quelque chose d’incroyable pour tout musicien. La renommée de ce théâtre est universellement reconnue, et c’est avec humilité et gratitude que j’aborde ce temple de la musique où j’ai rencontré des professionnels de haut niveau dans tous les domaines. Diriger l’Orchestre national du Capitole est un rêve pour moi. Ce sont des musiciens exceptionnels, hautement qualifiés et respectueux. Je savoure chaque son qui sort de leurs instruments. C’est vraiment passionnant !

Riccardo Bisatti – Photo: Andrea Butti

Don Giovanni n’est pas une découverte pour vous puisque vous l’avez déjà dirigé à plusieurs reprises en Italie. Richard Wagner l’a baptisé l’opéra des opéras. Que voulait-il dire ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, à l’âge de 22 ans, on m’a confié la direction de Don Giovanni. On la décrivait comme un « mur de sixième degré » *. Si nous revenons à la définition de Wagner : « L’opéra des opéras », Don Giovanni a tout pour plaire ! Le tragique et le comique sont juxtaposés et superposés de manière magistrale par le génie créatif de Mozart. Pour un chef d’orchestre, c’est une œuvre vraiment difficile, car elle nécessite un examen minutieux du texte au préalable et des choix interprétatifs décisifs.

Vous vous trouvez au Capitole avec deux distributions dont de très nombreuses prises de rôle et une nouvelle production.  N’est-ce pas intimidant ?

Je sais que je vis une expérience unique à tous points de vue avec deux distributions d’excellents chanteurs. La réalisatrice Agnès Jaoui, figure emblématique du cinéma, travaille avec minutie, soucieuse du moindre détail. C’est un plaisir pour moi d’assister aux répétitions où le spectacle prend véritablement forme. Chaque membre de la distribution est une surprise constante. Leur professionnalisme est impressionnant. J’apporte ma vision musicale de Don Giovanni, avec une attention scrupuleuse et un respect total pour la partition et le livret. Mozart et Da Ponte n’ont rien laissé au hasard. Une étude intense et approfondie est évidemment nécessaire. C’est un immense bonheur pour moi de participer à une production de cette envergure.

Vous venez un peu au dernier moment en remplacement de Tarmo Peltokoski qui a dû interrompre brusquement toute activité pour raisons de santé. Comment avez-vous répondu à ce challenge que vous a proposé Christophe Ghristi ?

Je profite de cette occasion pour souhaiter publiquement un prompt rétablissement au maestro Tarmo Peltokoski. J’espère le rencontrer bientôt. Ce serait un grand plaisir pour moi. Pour en revenir à votre question, j’étais occupé en Sicile par deux productions au Teatro Massimo de Palerme avec Il Barbiere di Siviglia et au Teatro Bellini de Catane avec Don Pasquale. Quand j’ai appris la nouvelle, j’étais franchement incrédule. La renommée du Capitole et de son directeur artistique n’est plus à faire. J’ai l’habitude d’évaluer soigneusement les défis qui se présentent à moi, et dans ce cas, la possibilité de m’attaquer à nouveau à Don Giovanni a dissipé tous mes doutes. Christophe Ghristi, en plus d’être un excellent professionnel, est une personne charmante qui m’a immédiatement mis à l’aise, même si je me suis littéralement catapulté de Sicile à Toulouse. Je dois également avouer que j’aime particulièrement la France, qui m’a toujours accueilli avec beaucoup d’affection et d’élégance lors de mes premiers pas en tant que jeune pianiste.

Riccardo Bisatti – photo: Andrea Butti

Don Giovanni est un dramma giocoso. Comment abordez-vous la direction de cette partition ?

L’approche de la partition est empreinte pour moi d’une grande humilité et d’un désir d’approfondir toutes les indications du compositeur. Le plus grand travail se concentre sur les détails, car Mozart mérite vraiment d’être exploré en termes d’articulation et de sonorité.

Lorsque vous avez étudié pour la première fois cet ouvrage, aviez-vous une version de référence, du moins concernant la direction d’orchestre ?

 Depuis mon enfance, j’ai écouté d’innombrables enregistrements de Don Giovanni. Celui qui m’est le plus cher est celui dirigé par Claudio Abbado. Le son que l’on entend est brillant et il adapte parfaitement son timing à l’action.

Quelles sont les difficultés de cette œuvre devenue une icône de l’art lyrique ?

 Le défi le plus important consiste à mettre en valeur tous les contrastes musicaux de la partition. Et, bien sûr, le travail minutieux sur le son.

Agnès Jaoui fait une grande partie de sa carrière dans le cinéma, en tant que réalisatrice et actrice. Le tempo du 7e art n’est pas, par définition, le même que celui d’une partition d’opéra, spectacle vivant par essence.  Comment se conjuguent ces deux univers pour ce Don Giovanni ?

 Agnès Jaoui déploie tout son charme tant pendant les répétitions que sur scène. Elle présente sa vision de Don Giovanni avec une préparation approfondie et une grande conviction. Je suis vraiment admiratif et honoré de travailler avec elle.

Riccardo Bisatti

Quels sont les ouvrages que vous avez hâte de diriger ?

 J’aimerais beaucoup compléter la trilogie Mozart/Da Ponte. Je suis également passionné par Puccini depuis mon enfance. Je serais ravi de diriger autant d’œuvres que possible du grand compositeur toscan.

Quels sont vos engagements après le Capitole ?

Après Don Giovanni, je retourne à Novara, en Italie, pour quelques jours avant de repartir immédiatement pour Stuttgart, où m’attend une production de La Flûte enchantée. Mozart reste fermement sur ma route ! J’en suis ravi.

Il semble que vous privilégiez une carrière avant tout italienne pour l’instant et non pas un calendrier de globe-trotter. Est-ce un choix délibéré ?

 Pour être honnête, à partir de la fin de l’année 2025, je serai principalement à l’étranger. Je retournerai en France, j’irai en Allemagne et même en Irlande. Les expériences que j’ai acquises jusqu’à présent en Italie, heureusement toujours dans de grands théâtres, ont été pour moi une source de croissance et de maturation importantes. J’ai appris à approcher de grandes institutions telles que le Teatro San Carlo de Naples, le Petruzzelli de Bari et le Teatro Regio de Turin, pour n’en citer que quelques-unes… et j’ai pu comprendre comment fonctionne la machine théâtrale dans toute sa grandeur et sa complexité.

Riccardo Bisatti – Photo : Paolo D’Onofrio

A cette étape de votre jeune carrière, qu’est-ce qui vous excite le plus : découvrir de nouveaux ouvrages, de nouveaux orchestres, de nouveaux artistes, de nouveaux publics… ?

 J’adore le contact avec le public. Le public est roi. Pour un artiste, la présence et les applaudissements du public sont la plus grande récompense. En tant que chef d’orchestre et pianiste, j’aime aussi toutes mes études, qui occupent une grande partie de mes journées et de mes pensées. En tant que pianiste, je me suis également consacré à l’étude des claviers historiques et de la musique contemporaine, autre grande source d’inspiration. Je suis fasciné par l’approche de nouvelles partitions et l’étude de tout le contexte entourant le compositeur et la période historique. L’opéra est la forme d’art la plus complète. Il réunit la musique, le théâtre, le chant et la danse. Chaque discipline trouve son expression la plus élevée dans la perfection de la création du compositeur. Pouvoir en faire partie a toujours été mon plus grand rêve. J’étudie et je travaille pour le poursuivre avec respect et amour.

Propos recueillis par Robert Pénavayre le 15 novembre 2025

  • Référence aux difficultés de l’escalade

Représentations au Théâtre du Capitole du 20 au 30 novembre 2025

Renseignements et réservations : www.opera.toulouse.fr

Partager

Avec Don Giovanni, Agnès Jaoui se mesure à l’opéra des opéras au Capitole de Toulouse
« J’ai le trac très clairement même si je suis confiante dans les interprètes »
Tugan Sokhiev de retour à Toulouse à la tête du Münchner Philharmoniker
Le lundi 24 novembre 2025 à 20h à la Halle aux Grains, la brillante 40ème saison des Grands Interprètes reçoit l’Orchestre philharmonique de Munich dirigé par Tugan Sokhiev.
Leporello au Capitole, une prise de rôle majeure pour Kamil Ben Hsaïn Lachiri
« Mozart a lié toutes les notes de sa partition au drame et à l’action »
Toulouse Guitare, l’imagination musicale
Vendredi 21 novembre prochain à 20h00, à la Salle du Sénéchal, Kevin Seddiki, guitare & Jean-Louis Matinier, accordéon, sont les invités de la saison Toulouse Guitare.
La onzième édition du forum ByPass
Animé par le Studio éole, le forum de la création musicale organise cette année la onzième édition de son festival consacré aux musiques actuelles.
Dans le cerveau de l’enquête
Dans une coulée de boue, le corps vivant d’un jeune fille disparue depuis huit ans…