Le premier concert de la belle saison Toulouse Guitare, le vendredi 17 octobre dernier, a illuminé la Chapelle des Carmélites d’un éclairage délicat et intense grâce au grand guitariste espagnol Ricardo Gallén, invité pour la première fois à Toulouse. Consacré au quatre Suites pour luth de Johann Sebastian Bach, ce récital a littéralement fasciné un public conquis par l’art subtil et profond d’un interprète d’exception.
Rappelons que Ricardo Gallén, né à Linares, en 1972, a commencé à jouer de la guitare classique à l’âge de 4 ans. A 10 ans, il est entré au Conservatoire de Musique de Cordoba et a poursuivi des études assidues aux conservatoires de Jaén, Cordoba, Madrid et Grenade. En 1999, il a obtenu un Meisterklassendiplom à la Hochschule für Musik und Theater de Munich. Nommé à cinq reprises comme premier prix de grands concours internationaux, Ricardo Gallén enseigne, depuis 2009, à la Hochschule für Musik « Franz Liszt », de Weimar.
Gageons que sa prestation toulousaine laissera un souvenir marquant aux nombreux spectateurs qui ont empli la nef de la chapelle. Au-delà de la parfaite technique du guitariste, c’est essentiellement à la profonde musicalité de son jeu qu’il faut rendre hommage. Transcrites pour guitare, ces quatre Suites pour luth restent d’une fidélité absolue à l’original du fait que l’on passe d’un instrument à cordes pincées à… un autre instrument à cordes pincées !

Ricardo Gallén joue une petite guitare à la sonorité de miel dont il tire les accents les plus subtils. D’une manière générale, son jeu mêle avec art, rigueur et liberté. Rien n’est surjoué. Chaque mouvement s’insère avec naturel dans une démarche d’une richesse musicale incomparable. Il émane de son toucher une lumineuse impression de polyphonie active.
Le musicien ouvre son récital avec la Suite n° 3 en sol mineur BWV 995 qui n’est autre que la transcription pour luth de Bach lui-même de sa Suite n° 5 pour violoncelle seul. Les six mouvements de l’œuvre alternent les atmosphères diverses sans jamais rompre l’unité de la pièce. De la sérénité du Prélude, joué comme un récitatif, à la vitalité dansante des Gavottes et de la Gigue, on admire en particulier la profondeur méditative de la Sarabande.
La Suite n° 1 en mi mineur BWV 996, originalement écrite pour le luth, se distingue par le caractère de lied qui imprègne l’Allemande et la profondeur déclamatoire de la Sarabande. Après quoi, la Bourrée et la Gigue apportent la lumière.
La Suite n° 4 en mi majeur BWV 1006a est également une transcription. Celle de la Partita pour violon seul n° 3 en mi majeur BWV 1006. Ricardo Gallén confère notamment à la fameuse Gavotte en rondeau un esprit de danse, et une élégance pleine de noblesse aux Menuets I et II.
Le programme s’achève avec la Suite n° 2 en do mineur BWV 997 dans laquelle l’interprète déploie une gamme infinie de nuances sans jamais affecter l‘l’unité expressive de l’œuvre. Le Prélude, comme un calme lever de soleil, précède la belle construction architecturale de la Fugue. La Gigue et le Double final sont délivrés avec une joie festive.

Soulignons le silence impressionnant de l’ensemble du public qui a accompagné toute la prestation de Ricardo Gallén. Un test remarquable de l’intérêt majeur suscité par toutes ses interprétations. Ce n’est qu’à la conclusion du concert qu’un enthousiasme général a éclaté et obtenu du musicien un bis prolongeant cette succession de Suites par un nouveau Prélude pour luth du même Johann Sebastian Bach.
Décidément, cette ouverture de saison occupera une place de choix dans les annales de Toulouse Guitare !
Serge Chauzy